Marché public de médicaments et équivalence thérapeutique

Une variété de capsules et de comprimés colorés, rappelant un marché public de médicaments animé, sont dispersés sur un fond blanc. Les capsules affichent des teintes de rouge, de bleu, de jaune et de vert, tandis que les comprimés restent blancs.

Le 21 décembre 2023, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la question de l’équivalence thérapeutique dans le cadre d’un marché public de médicaments. Il a considéré que le refus d’une offre ne pouvait se fonder sur le seul constat que la molécule proposée était différente de celle reprise dans les spécifcations techniques et qu’il fallait examiner concrètement l’équivalence thérapeutique sur la base des éléments fournis dans l’offre.

L’affaire

L’affaire concerne l’attribution du lot portant sur un médicament composé d’une molécule spécifique (« Pegfilgratisme 6mg/x ml (injectable) »).

Dans son offre, le requérant proposait un médicament à base d’un composant (le « Lipegfilgrastim »). Il y expliquait l’effet thérapeutique similaire de la molécule de son produit en citant plusieurs études. Cette offre a été considérée comme irrégulière et écartée, pour le motif qu’il ne s’agissait pas de la molécule exigée.

Marchés public de médicaments et spécifications techniques

Le Conseil d’Etat rappelle ici la nécessité de respecter l’article 53 §6 de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics dans le cadre d’un marché public de médicaments.

Cette disposition impose au pouvoir adjudicateur qui se réfère à des spécifications techniques de ne pas rejeter une offre au motif que les fournitures offertes ne sont pas conformes aux spécifications techniques dès lors que le soumissionnaire prouve dans son offre que les solutions proposées saitsfont de manière équivalente aux exigences définies par les spécifications techniques.

Comment vérifier l’équivalence thérapeutique ?

Dans son arrêt, le Conseil d’Etat rappelle l’importance de vérifier cette équivalence thérapeutique de manière effective et précise en cas de marché de médicaments. Il juge de manière relativement directe que « sous le couvert d’une motivation en apparence très longue, l’auteur de la décision attaquée expose à quatre reprises que les molécules ne sont pas équivalentes parce qu’elles sont différentes ».

Qu’est-ce qu’aurait dû faire l’hôpital ? L’hôpital aurait dû aller au-delà de ce constat et exposer concrètement pourquoi les deux molécules ne permettent pas d’aboutir à des résultats équivalents, contrairement à ce qui avait été expliqué par le soumissionnaire dans son offre.

On soulignera que le Conseil d’Etat va plus loin en soulignant qu’en l’espèce, une motivation renforcée s’imposait au regard des éléments apportés dans l’offre.

Institutions de soins et professionnels de la santé: que faire face à une décision défavorable de l’INAMI ?

Illustration d'une personne joyeuse en blouse blanche, debout devant un grand ordinateur portable affichant un cœur avec une ligne de battement de cœur, symbolisant la santé. Une horloge au-dessus suggère que le timing est essentiel pour explorer les différentes voies de recours possibles contre une décision de l'INAMI.

Les institutions et les prestataires de soins (médecins, infirmiers, pharmaciens, dentistes, …) peuvent être confrontés à une décision de l’INAMI qui leur cause préjudice.

C’est par exemple le cas lorsque le service d’évaluation et de contrôle institué au sein de l’INAMI (le SECM) estime qu’ils ont manqué à leurs obligations.

On pense notamment à l’article 73 de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités (loi ASI), selon lesquels les prestataires de soins doivent s’abstenir de prescrire ou de faire prescrire, d’exécuter ou de faire exécuter des prestations superflues ou inutilement onéreuses à charge du régime d’assurance obligatoire soins de santé et indemnités.

Si le SECM considère qu’un prestataire a facturé des honoraires pour des prestations indument attestées, par exemple sur la base d’un code de nomenclature inexact, il peut décider de le poursuivre.

Au terme d’une procédure administrative prévue par la loi (PV de constat d’infraction, etc.), les instances de l’INAMI peuvent imposer à l’institution ou au prestataire concerné un remboursement d’indu mais aussi une amende administrative.

Recours

Face à une décision de ce type, l’institution de soins ou les professionnels de la santé peuvent introduire un recours devant :

  • Le Fonctionnaire dirigeant du service d’évaluation et de contrôle, pour lesinfractions les moins graves, identifiées à l’article 143 de la Loi ASI (certaines infractions dont la valeur des prestations potentiellement perçues indument est inférieure à 35.000 euros, etc.) ;
  • La Chambre de première instance installée auprès du SECM, pour toutes les autres infractions.

Les décisions du Fonctionnaire dirigeant sont susceptibles d’appel devant la Chambre de première instance, qui peut les réformer.

Lorsqu’elle ne statue pas comme juridiction d’appel, les décisions de la Chambre de première instance peuvent faire l’objet d’un recours devant la Chambre de recours.

Les décisions de la Chambre de première instance statuant en dernier ressort et les décision de la Chambre de recours peuvent faire l’objet d’un recours en cassation administrative devant le Conseil d’Etat.

Chambre de première instance et Chambre de recours

La Chambre de première instance et la Chambre de recours sont des juridictions administratives instituées au sein de l’INAMI sur la base de l’article 161 de la Constitution.

Bien que ces juridictions administratives soient instituées au sein de l’organe de contrôle de l’INAMI, elles sont indépendantes.

Elles sont présidées par un magistrat professionnel (magistrat ou ancien magistrat), et composées de deux médecins et de deux représentants des organismes assureur

Leurs règles de fonctionnement sont réglées par la loi ASI et par un arrêté royal du 9 mai 2008. Les règles du Code judiciaire peuvent également s’appliquer à titre supplétif.

La Chambre de première instance et la Chambre de recours doivent motiver leurs décisions

Dans un arrêt du 26 octobre 2023, le Conseil d’État rappelle que ces juridictions administrative ont l’obligation de motiver leur décision.

Cette motivation « doit permettre aux justiciables et au Conseil d’État, saisi d’un recours en cassation, de vérifier que la juridiction a complètement examiné les éléments du dossier et a répondu aux arguments qui lui ont été présentés ».

Pour atteindre son but, l’obligation de motiver implique que la juridiction administrative réponde explicitement ou implicitement à toute demande, exception, défense et à tout argument pertinent formulé par les parties.

Dans l’affaire soumise au Conseil d’État, la Chambre des recours avait condamné un infirmier et l’ASBL qui facturaient des prestations tarifées alors qu’elle paraissait non-conformes (absence de dossier infirmier, …) ou non effectuées.

Au cours de leur défense, l’infirmier et l’asbl avaient invoqué l’illégalité d’un article de l’arrêté royal établissant la nomenclature des soins de santé. Malgré cela, la Chambre des recours les a condamné sur la base de cette disposition, sans répondre à l’argument.

Dans son arrêt, le Conseil d’État juge qu’en s’abstenant de faire état de cet argument dans sa décision et en n’expliquant dès lors pas pourquoi il ne devait pas être suivi, la Chambre de recours a manqué à son obligation de motiver sa décision, « qui implique qu’elle rencontre les moyens et arguments invoqués par la partie requérante, du moins lorsqu’elle les rejette ».

Le Conseil d’Etat pose un constat identique à propos du silence de la décision de la Chambre de recours à propos de la demande d’octroi d’un sursis formulée par les requérants, qui avaient été condamnés au remboursement des prestations indument perçues.

Si vous êtes confrontés à une situation similaire ou si vous vous posez des questions sur les recours dont disposent les institutions ou les prestataires de soins contre les décisions de l’INAMI, n’hésitez pas à nous contacter.