Le PAD, un nouvel instrument au centre de la politique d’aménagement du territoire en Région de Bruxelles-Capitale
Le Plan d’Aménagement Directeur (PAD), nouvel instrument au centre de la dernière réforme du Code Bruxellois de l’Aménagement du Territoire (CoBAT) fait beaucoup parler de lui ces derniers mois.
On peut le comprendre étant donné l’emballement des autorités régionales autour de ce nouvel instrument de planification. A l’heure actuelle, ce sont pas moins de 13 PAD qui sont en cours d’élaboration sur le territoire bruxellois !
Bye-bye les schémas directeurs, bonjour les PAD !
Le PAD est voué à remplacer l’ancien outil des schémas directeurs. Ces schémas avaient pour vocation de déterminer, dans des zones jugées prioritaires par la Région, les principales options à développer et les moyens requis pour les mettre en œuvre pour y parvenir. Ces schémas ne se substituaient pas aux autres plans d’aménagement existants mais s’y ajoutaient afin de déterminer les lignes directrices de l’aménagement du territoire sur des zones trop étendues pour être régies par un PPAS.
Le processus de mise en œuvre des options prioritaires ainsi identifiées était cependant très laborieux. Il fallait, dans un premier temps, identifier les zones d’enjeu prioritaire, appelées zones leviers, dans le cadre de l’adoption ou de modification du Plan Régional de Développement. Ce n’est qu’ensuite que le schéma directeur pouvait être adopté pour identifier les options à développer au sein de ces zones. Enfin, la mise en œuvre de ces options nécessitait encore l’adoption de PPAS par les Communes.
Alors que l’objectif était de permettre d’adapter rapidement des quartiers présentant une importance stratégique pour la Région, le processus d’adoption était à ce point complexe, qu’il en devenait inefficace.
C’est pour répondre à cette faiblesse que la réforme du CoBAT a créé les Plans d’Aménagement Directeur (PAD), à valeur indicative mais pouvant contenir un volet réglementaire. L’objet de ces PAD consiste donc à fixer les grands principes d’aménagement ou de réaménagement du territoire qu’il vise, sans qu’il ne soit nécessaire de passer par l’adoption des schémas directeurs et des PPAS.
Le nouveau maître du jeu de l’aménagement du territoire bruxellois
Les PAD ont, en principe, valeur indicative, ce qui signifie que l’autorité peut s’écarter des options qui y sont définies moyennant motivation.
Toutefois – originalité principale de l’instrument – le Gouvernement peut décider de conférer une valeur obligatoire et réglementaire à des dispositions littérales ou graphiques du PAD.
Lorsque cette force obligatoire est donnée aux dispositions indiquant l’implantation d’une voie de communication, le PAD vaut dispense de permis de lotir pour l’opération de division du terrain réalisée conformément à ces dispositions.
En outre, les dispositions réglementaires du PAD priment sur toutes les dispositions réglementaires d’autres plans et règlements d’urbanisme qui leur sont contraires, dont notamment le PRAS et le RRU ! Dans la zone géographique qu’il couvre, c’est donc le PAD qui règne en maître pour déterminer les prescriptions urbanistiques applicables, pour autant que ses prescriptions se soient vues attribuer une valeur réglementaire.
Pour ce qui est des dispositions à valeur indicative, elles ne peuvent pas s’écarter du PRAS ou du RRU.
Enfin, tout comme pour le PRAS, il n’est pas possible de déroger aux dispositions réglementaires d’un PAD. La violation des dispositions réglementaires des PAD est érigée en infraction, comme c’est le cas de la violation des PPAS et permis de lotir ainsi que, depuis peu, du PRAS.
Quel processus d’élaboration ?
Sans aborder en détail le processus d’élaboration du PAD, on relèvera une originalité dans le processus de participation du public qui se déroule en deux étapes.
Tout commence par une instruction du Ministre-Président de rédiger un projet de PAD. Dès ce moment, le processus d’information et de participation commence avant même que la rédaction du PAD ait commencé. Ce n’est donc qu’après une première phase de consultation du public que la rédaction pourra commencer.
Ensuite, une fois le projet de PAD rédigé et avalisé en première lecture par le Gouvernement, celui-ci est soumis à enquête publique classique.
Par ailleurs, s’agissant d’un plan aménagement du territoire, les PAD sont soumis à la directive 2001/42/CE relative à l’évaluation stratégique environnementale et doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale lors de leur élaboration et avant leur adoption. Nous vous renvoyons à nos récents articles à ce sujet.
Où en est-on dans le processus d’élaboration des PAD ?
Il y a peu, dix premiers PAD ont été initiés simultanément avec des réunions de participation préalable du public qui se sont déroulées presque toutes en même temps, du 4 au 11 juin dernier.
Plus récemment, trois PAD supplémentaires ont été initiés pour les quartiers Heysel, Défense et Maximilen-Vergote. Les réunions de participation préalables du public pour ces trois projets de PAD ont eu lieu le 17 septembre dernier.
Un processus participatif amélioré… vraiment ?
Les PAD des quartiers Hermann-Debroux, Loi, Heyvaert et Josaphat ont été approuvés en première lecture par le Gouvernement et font l’objet d’enquêtes publiques en cours. Celles-ci se clôtureront toutes au début du mois de décembre. L’enquête publique relative au PAD du quartier Midi devrait débuter en février 2020.
Quant au PAD du quartier Loi, il est déjà remis en cause par un avis défavorable de la Commission Royale des Monuments et Sites qui, outre les remarques sur le contenu du PAD, pointe une volonté masquée des autorités de consolider des permis octroyés sur la base d’un RRUZ annulé pour cause d’absence de rapport d’incidences, ce qui, selon la CRMS, « pose une vraie question quant au processus de consultation ».
Le PAD Josaphat est, lui aussi, sur la sellette suite à un avis négatif de la Commune de Schaerbeek. Ici encore, c’est notamment la méthodologie autour de l’élaboration du PAD qui est critiquée. Alors que, comme exposé ci-avant, on envisage un processus de participation du public le plus en amont possible, avant même la rédaction du PAD, la Commune estime que « les jeux sont faits ». Elle constate ainsi que l’étude paysagère n’est arrivée qu’après le début des discussions sur le PAD et, surtout, elle constate que le marché public pour la conception des infrastructures majeures du site est déjà en cours d’élaboration et que le délai de fermeture des offres vient à échéance avant même l’enquête publique sur le PAD.
Au vu du nombre de PAD en élaboration, les associations de protection de l’urbanisme et du territoire urbain ainsi que les riverains soucieux de préserver le bon aménagement de leur territoire ont du pain sur la planche pour appréhender les impacts de ces nouveaux plans et formuler leurs observations en temps utile. Il en va de même des instances consultées simultanément sur un grand nombre de projets de PAD à propos desquels elles ne disposent que d’un délai de 30 jours pour émettre leurs avis. Cela remet sérieusement en cause l’effectivité de ces processus de consultation du public et des organes d’avis.
Photo : jamessensor sur Visualhunt.com / CC BY-NC