L’Ordre des pharmaciens sanctionné par l’Autorité belge de la concurrence (3)

Une variété de capsules et de comprimés colorés, rappelant un marché public de médicaments animé, sont dispersés sur un fond blanc. Les capsules affichent des teintes de rouge, de bleu, de jaune et de vert, tandis que les comprimés restent blancs.

Pharmacies et publicité pour des produits parapharmaceutiques

Par une première décision du 15 octobre 2019, l’Autorité belge de la concurrence retient deux griefs à l’encontre de l’Ordre des pharmaciens au sujet de la publicité pour des produits parapharmaceutiques et le condamne à une amende de 225.000 euros.

L’Auditeur de l’Autorité belge de la concurrence considère que les dispositions du Code de déontologie pharmaceutique qui prohibent le démarchage de clientèle, la publicité pour les ristournes et les cartes de fidélité sont restrictives de concurrence en ce qu’elles s’appliquent aux produits de parapharmacie.

L’Auditeur estime que l’interdiction de démarchage de clientèle revient à interdire presque l’entièreté de la publicité pour tous les produits de santé vendus en pharmacie et que la publicité sur les ristournes et les cartes de fidélité sont des éléments essentiels du jeu de la concurrence.

Il souligne également que le Code de déontologie va au-delà de la législation applicable, en ce qu’il vise également la publicité sur les produits parapharmaceutiques.

Publicité en ligne

Le second grief concerne les mécanismes de publicité en ligne et plus particulièrement les communications du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens interdisant l’utilisation de Google AdWords et la publicité via la page d’une pharmacie sur un média social.

Tout en se concentrant sur la publicité sur les produits parapharmaceutiques, l’Auditeur insiste sur l’importance de la vente en ligne et sur l’utilisation de ces instruments de communication et de publicité en ligne.

Sanctions disciplinaires injustifiées

Dans une autre décision du 15 octobre 2019, l’Auditeur de l’Autorité belge de la concurrence retient également plusieurs griefs à l’encontre du Conseil national de l’ordre des pharmaciens.

Il est question de sanctions disciplinaires qui ont été prises contre des pharmaciens, en matière de publicité et de ristournes.

Sont d’abord visées les sanctions prises à l’encontre de pharmaciens en raison de certains moyens de publicité pour le motif qu’ils ont pour effet d’étendre la « zone de chalandise » de l’officine (par exemple, la diffusion de folders publicitaires en très grand nombre ou la publication d’un article « toutes-boîtes » concernant la rénovation d’une officine). Il en résulte, selon l’Auditeur, une interdiction excessive de la publicité qui freine la concurrence, voire qui conduit à une forme de répartition des marchés selon des zones de chalandage.

Il est ensuite question de décisions sanctionnant des ristournes, que ce soit pour des produits parapharmaceutiques ou pour des médicaments, au motif qu’elles seraient supérieures « à ce que font la plupart des pharmaciens ». Selon l’Auditeur, ces décisions traduiraient une interdiction excessive qui reviendrait à instaurer indirectement un prix minimum pour les produits de parapharmacie et les médicaments.

À ce sujet, l’affirmation de l’Auditeur selon laquelle ces décisions viseraient à limiter la concurrence entre les pharmacies au profit des pharmacies traditionnelles doit être mise en lien avec la décision de l’Autorité belge de la concurrence du 28 mai 2019 (résumée ici) dans laquelle il est question d’une stratégie anticoncurrentielle de l’Ordre des pharmaciens à l’encontre du « concept » de MediCare-Market, pour préserver les intérêts des pharmacies traditionnelles.

Des engagements contraignants pour l’Ordre des pharmaciens

Dans le cadre de ces procédures, l’Ordre des pharmaciens a pris plusieurs engagements rendus contraignants par l’Autorité belge de la concurrence.

Parmi ces engagements figure notamment l’adoption, avant la fin de l’année 2019, d’un Code de déontologie réformé avec entrée en vigueur au 1er janvier 2020. Celui-ci devra prévoir l’autorisation de principe de la publicité et des pratiques commerciales telles que la sollicitation de patientèle. Dans ce cadre, l’Ordre des pharmaciens s’est engagé à ce que le recours à un référencement payant et la publicité via un média social fassent également l’objet d’une autorisation de principe, tant pour ce qui relève de la publicité personnelle du pharmacien que pour la vente de produits de parapharmacie.

L’Ordre s’engage également à publier une version anonyme des décisions disciplinaires sur sa page réservée aux membres et à adopter et revoir régulièrement un Code commenté relatif à la publicité et aux pratiques commerciales. Ce code sera destiné à compléter les dispositions du Code de déontologie pharmaceutique et à faciliter l’interprétation de ces règles par les pharmaciens et les conseils disciplinaires, dans le respect du droit de la concurrence.

Si elles laissent apparaître une ouverture importante et une tendance vers davantage de pratiques concurrentielles entre pharmacies, ces décisions et ces évolutions futures n’impliquent pas pour autant que les pharmaciens pourront agir comme tout commerçant en matière de publicité et de ristournes.

Il convient de rester prudent et d’avoir égard notamment au produit qui est destiné à faire l’objet d’une publicité ou d’une ristourne.

Pour plus de renseignements en la matière, n’hésitez pas à nous contacter.

L’Ordre des pharmaciens sanctionné par l’Autorité belge de la concurrence (2)

Une variété de capsules et de comprimés colorés, rappelant un marché public de médicaments animé, sont dispersés sur un fond blanc. Les capsules affichent des teintes de rouge, de bleu, de jaune et de vert, tandis que les comprimés restent blancs.

 

Une stratégie anticoncurrentielle menée par l’Ordre des pharmaciens à l’encontre de MediCare-Market

Par une décision du 28 mai 2019, l’Autorité belge de la concurrence a condamné l’Ordre des pharmaciens au paiement d’une amende d’un million d’euros suite à une plainte introduite par MediCare-Market.

L’Autorité belge de la Concurrence condamne l’Ordre des pharmaciens pour le motif qu’il aurait mis en œuvre une  stratégie anticoncurrentielle à l’encontre de MediCare-Market. Selon l’Autorité belge de la Concurrence, l’Ordre des pharmaciens aurait adopté « une stratégie ciblée, cohérente et publique d’éviction d’un nouvel entrant susceptible de réduire les marges à court terme des autres membres du secteur et de dissuader stratégiquement l’entrée d’autres opérateurs à moyen terme, tels que notamment la grande distribution ou des plateformes générales ou spécialisées de distribution en ligne ».

L’Autorité belge de la Concurrence déduit l’existence de cette stratégie anticoncurrentielle d’un ensemble d’éléments contextuels, dont des déclarations de membres du Conseil national de l’Ordre à l’encontre de MediCare-Market, l’introduction d’une action en cessation commerciale et des actions disciplinaires prises à son encontre.

Les arguments mis en avant par l’Ordre des pharmaciens à l’encontre de MediCare-Market portent principalement sur l’offre de ristournes sur des produits parapharmaceutiques et sur la confusion entre les parapharmacies et les pharmacies dès lors que la séparation entre les espaces serait « ténue ». Ces arguments sont rejetés par l’Autorité belge de la Concurrence qui, à ce sujet, renvoie presqu’exclusivement au projet de décision de l’Auditeur.

Le « concept MediCare-Market » et les pharmacies traditionnelles

À travers cette décision, l’Autorité belge de la concurrence affirme assez clairement que l’Ordre ne peut pas s’opposer à ce qu’elle appelle le « concept MediCare-Market » qu’elle qualifie d’« innovation de rupture » en comparaison avec les « pharmacies traditionnelles » que l’Ordre chercherait à protéger.

De plus, cette décision, qui s’inscrit dans la lignée de celle déjà rendue le 19 juin 2017, doit être lue avec les décisions récentes du 15 octobre 2019 (résumées ici) qui poussent également à un sensible assouplissement en matière de publicité et de ristournes et à une plus grande ouverture à la concurrence entre pharmacies.

On soulignera que ce n’est que de manière indirecte que l’Autorité belge de la Concurrence se prononce au sujet de la « confusion entre pharmacie et parapharmacie » puisqu’elle cherche principalement à déterminer si un faisceau d’indices traduit une stratégie anticoncurrentielle globale dans le chef de l’Ordre. Cela pourrait expliquer pourquoi le raisonnement adopté au sujet de cette confusion ne nous parait pas totalement abouti.

Aussi, il serait, à notre estime, risqué de déduire de cette décision qu’il pourrait à présent exister une totale confusion entre une pharmacie réglementée et une parapharmacie non soumise à la déontologie.

Pour plus de renseignements en la matière, n’hésitez pas à nous contacter.

L’Ordre des pharmaciens sanctionné par l’Autorité belge de la concurrence (1)

Une variété de capsules et de comprimés colorés, rappelant un marché public de médicaments animé, sont dispersés sur un fond blanc. Les capsules affichent des teintes de rouge, de bleu, de jaune et de vert, tandis que les comprimés restent blancs.

Produits PHARMA / PARAPHARMA : l’Ordre des pharmaciens sanctionné par l’autorité belge de la concurrence

Durant l’année 2019, l’Autorité belge de la Concurrence  (ABC) s’est prononcée à plusieurs reprises sur certaines règles et pratiques de l’Ordre des pharmaciens, les qualifiant d’atteintes irrégulières à la concurrence.

Le 28 mai 2019, elle avait déjà rendu une importante décision qui condamnait l’Ordre des pharmaciens au paiement d’une amende d’un montant d’un million d’euros, sanctionnant principalement des poursuites à l’encontre de MediCare-Market au sujet de pratiques de ristournes et d’une confusion entre les pharmacies et parapharmacies lorsqu’elles sont contiguës.

Le 15 octobre 2019, l’Autorité belge de la Concurrence a rendu deux autres décisions concernant les règles de déontologie pharmaceutiques relatives à la publicité et aux ristournes.

La première décision concerne les produits parapharmaceutiques et condamne l’Ordre pour des entraves à la concurrence, notamment en raison des règles de déontologie relatives au démarchage de clientèle, aux ristournes ou encore aux cartes de fidélité.

La seconde ne se limite pas aux produits parapharmaceutiques mais a une portée plus générale. L’Auditeur met en cause des sanctions disciplinaires prises à l’égard des pharmaciens qui traduiraient une interdiction excessive de la publicité et des ristournes. Cette décision ne sanctionne pas l’Ordre mais rend contraignants certains engagements pris par l’Ordre, notamment concernant l’adoption d’un Code de déontologie réformé avant la fin de l’année 2019, permettant par exemple la publicité ou la sollicitation de clientèle.

Vers une plus grande ouverture à la concurrence entre pharmacies

Par ces décisions, l’ABC remet systématiquement en cause les règles et pratiques actuelles et pousse vers une plus grande ouverture de la concurrence au sein de cette profession, notamment en matière de publicité mais aussi de prix, voire d’implantation commerciale.

Nous sommes à présent dans l’attente de la mise en œuvre des engagements pris par l’Ordre des pharmaciens. On peut cependant se demander si ces engagements permettront de mettre un terme à cette saga car il n’est pas à exclure (loin de là…) que l’Autorité belge de la Concurrence soit saisie d’autres plaintes mettant en évidence les difficultés de soumettre au droit de la concurrence une profession libérale sensiblement réglementée.

Pour plus de renseignements en la matière, n’hésitez pas à nous contacter.