La réforme de l’art infirmier : quelles nouveautés ?

Une mère est assise dans un lit d'hôpital, tenant son nouveau-né dans ses bras, enveloppée par la chaleur des soins. À proximité, deux professionnels de la santé, l'un en tenue d'hôpital bleue, l'autre en blouse blanche avec un presse-papiers, se tiennent debout, souriants, incarnant la réforme de l'art infirmier. Une carafe d'eau repose sur la table de chevet.

Par une loi du 18 mai 2024, le législateur fédéral a adopté la réforme de l’art infirmier. Cette réforme est entrée en vigueur le 9 juin 2024.

Objectifs : Adapter l’art infirmier à la pratique et permettre de nouvelles évolutions dans la profession

Selon l’Exposé des motifs de la loi, la réforme de l’art infirmier se justifie comme suit :

« Notre système de santé de demain aura besoin, en plus des médecins et des autres professionnels de la santé, d’assistants en soins infirmiers qui sont polyvalents dans le domaine de la santé et du bien-être, ainsi que des infirmiers responsables de soins généraux, des infirmiers spécialisés et d’infirmiers de pratique avancée qui en plus d’être polyvalents, sont aussi compétents pour répondre plus rapidement et plus efficacement aux besoins de santé des patients. C’est nécessaire, par exemple, pour une intégration réussie de l’expertise et des compétences infirmières en médecine générale (cf. également le New Deal pour le cabinet de médecin généraliste), ainsi que pour le développement ultérieur des consultations infirmières (cf. Rapport KCE de novembre 2023 : consultations infirmières pour les patients atteints de maladies complexes). De telles adaptations sont nécessaires pour répondre à l’évolution des besoins des patients atteints de maladies ou d’affections complexes et souvent chroniques ».

Ainsi, l’adaptation de l’art infirmier devrait permettre une meilleure corrélation entre l’exercice de la profession, les qualifications requises et les actes de cette profession.

Les modifications et nouveautés de la réforme

Depuis l’adoption de la loi du 28 juin 2023, un nouveau praticien de l’art infirmier a vu le jour : l’assistant en soins infirmiers.

Outre l’adaptation de quelques articles de la loi du 10 mai 2015 coordonnée relative à l’exercice des professions des soins de santé rendue nécessaire par l’apparition de l’assistant en soins infirmiers, les modifications importantes apportées par la loi du 18 mai 2024 portent sur les points suivants :

Adaptation de ce qu’on entend par « exercice de l’art infirmier »

L’adaptation de la définition de l’art infirmier permet aux infirmiers responsables de soins généraux d’assurer de nouvelles tâches comme les consultations infirmières pour les patients souffrant de problèmes de santé complexes.

Elle participe à une meilleure reconnaissance de ce que font les infirmiers et infirmières au sein des soins de santé.

De plus, elle permet de tenir compte du nouveau praticien, l’assistant en soins infirmiers. Les assistants en soins infirmiers pourront exercer les activités de l’art infirmier de manière autonome lorsqu’il s’agit de situations « moins complexes ». Pour les situations « plus complexes », ils travailleront en équipe avec l’infirmier responsable des soins généraux ou avec le médecin si l’infirmier responsable des soins généraux ne fait pas partie de l’équipe.

La « complexité de la situation » est établie par l’infirmier responsable des soins généraux ou par le médecin concerné. Par ailleurs, ils déterminent également la fréquence de la réévaluation.

La complexité d’une situation n’est pas liée à un secteur particulier et dépend de plusieurs facteurs comprenant notamment :

  • la complexité des soins eux-mêmes ;
  • les caractéristiques du patient ;
  • la composition de l’équipe ;
  • la planification et la prévisibilité des soins.

La loi décrit les soins infirmiers comme des actes préventifs, curatifs ou palliatifs, réalisés de manière autonome et, si nécessaire, en collaboration interprofessionnelle, en concertation avec le patient et son entourage. 

Adaptation de l’article sur « l’infirmier de pratique avancée »

Suite à la création des profils d’assistant en soins infirmiers et d’infirmier chercheur clinicien, il convient de repréciser les compétences de chacun.

A présent, le niveau de formation donnant accès au titre d’infirmier de pratique avancée doit correspondre au minimum à une formation d’infirmier responsable de soins généraux et à un master en sciences infirmières qui prépare à la fonction d’infirmier de pratique avancée.

L’infirmier de pratique avancée peut lui-même être de deux types. Désormais, les deux pratiques des infirmiers experts apparaissent dans la législation belge. Il s’agit de l’infirmier clinicien et de l’infirmier praticien.

Introduction de la possibilité de délégation de soins infirmiers

La loi introduit la possibilité pour l’infirmier responsable des soins généraux au sein d’une équipe de soins structurée de déléguer de soins infirmiers à d’autres professions de soins de santé.

Pour garantir la qualité des soins et la sécurité des patients, la délégation de soins infirmiers ne peut s’opérer qu’au profit de professionnels de soins de santé disposant d’un titre professionnel pour lequel une formation d’au moins trois ans d’études avec au moins 3.800 heures d’enseignement terminées avec fruit.

Une telle délégation ne peut avoir lieu que dans le cadre d’une équipe de soins de santé structurée, soit « une équipe prédéfinie qui se compose de professionnels des soins de santé qui sont visés dans la loi relative à l’exercice des professions des soins de santé. Et ces professionnels des soins de santé y travaillent ensemble et de manière coordonnée afin de prendre soin d’un groupe déterminé de patients ou d’un type de soins déterminé ».

Suppression de la commission technique de l’art infirmier et de la commission des professions paramédicales

A travers la suppression de ces instances, le législateur entend rassembler au sein de deux organes (le Conseil fédéral de l’art infirmier et le Conseil fédéral des professions paramédicales), les différents avis relatifs aux professions relevant de l’art infirmier et paramédicales ainsi qu’à l’exercice de ces professions.

Conclusions

Cette réforme a pour objectif de rendre les professions de soins de santé plus attractives. Ainsi, le législateur a donc redéfini les fonctions du métier d’infirmier afin de faire pleinement appel aux compétences des infirmiers et infirmières.

Sa mise en pratique ne manquera pas de soulever de nombreuses questions comme la responsabilité des actes délégués.

Il est aussi important de signaler qu’un recours en annulation a été introduit auprès de la Cour Constitutionnelle contre les articles 2 et 3, 7° de la loi du 28 juin 2023 « modifiant la loi relative à l’exercice des professions des soins de santé, coordonnée le 10 mai 2015, en vue d’y préciser l’intitulé actuel du titre d’infirmier conformément à la directive 2005/36/CE et d’y insérer l’assistant en soins infirmiers et l’infirmier chercheur clinicien ». Il est actuellement toujours pendant.

Si vous avez des questions à propos de la réforme de l’art infirmier, n’hésitez pas à contacter Cambier Avocat.

Le Gouvernement est en affaires courantes. Limites et conséquences

Un homme court sur un paysage enneigé sous un ciel bleu clair, concentré comme s'il parcourait les affaires courantes de la vie. Il porte un bonnet vert, une veste marron, des leggings noirs et des chaussures jaunes. Son ombre s'étend sur la neige, avec des empreintes de pas derrière lui. Des arbres sont visibles au loin.

L’arrêt n°259.078 du Conseil d’État rendu le 8 mars 2024 tombe à pic. Il met en lumière les restrictions imposées au Gouvernement pendant les périodes dites « d’affaires courantes ».

Un gouvernement qui a présenté sa démission « ne dispose plus de la plénitude de ses attributions« . Il ne peut plus exercer d’activité que ce soit en tant qu’organe exécutif ou en tant que membre du Pouvoir législatif. Il peut uniquement expédier les « affaires courantes« .

C’est quoi une affaire courante ?

Par affaires courantes, il faut entendre (1) les affaires relevant de la gestion journalière, (2) les affaires constituant la poursuite normale d’une procédure régulièrement engagée avant la dissolution du Parlement et la démission du Gouvernement et (3) les affaires urgentes.

Il n’y a pas de règle écrite qui limite les attributions du Gouvernement fédéral durant la période d’affaires courantes. En effet, le Conseil d’État constate qu’elle ne ressort ni de la Constitution ni d’aucune autre disposition légale. Il s’agit d’une coutume constitutionnelle liée aux principes de la continuité du service public et de la responsabilité ministérielle dans un système parlementaire.

Cette règle relève de l’ordre public puisqu’elle concerne la compétence du Gouvernement. Par conséquent, si une décision prise par le Gouvernement démissionnaire n’entre pas dans le champ d’application des affaires courantes, elle est illégale.

L’arrêté attaqué entre-t-il dans le champ d’application des affaires courantes ?

Le recours en annulation concerne l’arrêté royal du 20 septembre 2020 « relatif à la permanence médicale par les médecins généralistes et à l’agrément de coopération fonctionnelle ». Le Gouvernement l’a adopté durant la longue période d’affaires courantes qui a suivi la présentation de sa démission au Roi, le 21 décembre 2018.

Selon l’association de médecins généralistes qui sollicitait l’annulation de cet arrêté, cet arrêté dépasse la notion d’affaires courantes.

Le Gouvernement belge prétendait que cet arrêté constituerait la continuation d’une procédure engagée avant la dissolution du Parlement.

La poursuite d’une procédure entamée avant la dissolution du Parlement

Selon le Conseil d’État, pour qu’un acte posé par le Gouvernement constitue la poursuite d’une procédure entamée avant sa démission et la dissolution du Parlement, il faut cumuler trois conditions :

  • L’engagement de la procédure donnant lieu à la décision concernée bien avant la période critique ;
  • Que cette procédure se règle sans précipitation ;
  • La résolution des questions politiques qui ont pu se poser avant la période critique. 

Ne relèvent donc pas de cette catégorie, les affaires dont le traitement donne lieu à des choix politiques importants. Il s’agit de celles :

« qui impliquent des options dont l’importance sur le plan de la politique générale est par essence telle que ces affaires ne pourraient être décidées que par un gouvernement qui a l’appui du parlement et qui risque de perdre cet appui en raison de la décision qu’il a prise »

C.E., arrêt n°259.078

L’arrêté attaqué contient des choix politiques

Le Conseil d’État relève que l’arrêté attaqué contient des choix politiques à propos des conditions applicables aux coopérations fonctionnelles des médecins généralistes que la loi charge d’assurer la permanence médicale. Il s’agit de choix importants dans la mesure où ils ont une incidence :

  • sur la manière dont les Communautés pourront exercer leurs compétences normatives en matière d’organisation de la médecine de première ligne (notamment les cercles de médecins généralistes) ;
  • les modalités applicables aux médecins généralistes dans le cadre de leurs obligations en matière de permanences médicales.

…posés après la démission du Gouvernement

L’État belge soutient que plusieurs documents montreraient que le Gouvernement a posé ces choix politiques avant de démissionner. Il invoque l’accord du Gouvernement conclu en 2014, un audit des postes de garde, une note conceptuelle du 15 décembre 2017, l’accord médico-mutualiste 2018-2019, les procès-verbaux de la plateforme d’accompagnement, etc.

Le Conseil d’État procède à l’examen de chacun de ces documents.

Ainsi, il juge que l’accord de gouvernement porte la volonté politique de réformer les services de garde de la médecine générale. Mais ne contient aucune option politique précise à ce sujet.

L’accord médico-mutualiste constitue un accord entre les mutuelles et les médecins à propos du financement des soins de santé. Cet accord ne vise donc pas à établir un cadre réglementaire pour la permanence des soins médicaux. De plus, cet accord mentionne un cadre légal futur à adopter après consultation de certains organes. Il présente également des options différentes de celles retenues dans l’acte attaqué.

A propos d’autres documents, le Conseil d’État relève qu’il s’agit de documents préparatoires, de nature administrative. Or, de tels documents d’orientation ou avis ne peuvent pas poser de choix politiques. D’ailleurs, certains d’entre eux contiennent des options différentes de celles qui ont finalement été retenues.

Le Conseil d’État souligne que:

« La réflexion menée à un niveau administratif sur l’élaboration d’un texte et l’identification des options privilégiées à ce niveau ne peuvent suffire à considérer que les questions politiques ont été résolues. De manière générale, l’exigence d’un choix politique ne peut être constaté que lorsque l’autorité politique soumise au contrôle du Parlement a, d’une manière ou d’une autre, elle-même clarifié sa position, par exemple en transmettant officiellement un arrêté en projet à une autorité ou à un organe consultatif pour l’examiner ».

Incompétence = annulation

Le Conseil d’État estime donc que le Gouvernement n’a pas arrêté les options contenues dans l’arrêté attaqué avant sa démission. Il en conclut à l’incompétence du Gouvernement et procède à l’annulation de l’arrêté royal en cause.

Pour toute question à propos d’un acte adopté en période d’affaires courantes, vous pouvez contacter Alexandre Paternostre,ou Thomas Cambier

Le point sur les réseaux hospitaliers locorégionaux

Illustration d'un bâtiment hospitalier, parfaitement intégré dans de vastes réseaux hospitaliers, entouré d'icônes médicales comme un stéthoscope, une seringue, une pilule, un fauteuil roulant et une ambulance dans des tons bleus et gris apaisants.

L’obligation de rejoindre un réseau locorégional

Depuis le 1er janvier 2020, chaque hôpital a l’obligation de faire partie d’un « réseau locorégional », c’est-à-dire d’une collaboration :

  • dotée de la personnalité juridique, durable et juridiquement formalisée ;
  • agréée par les autorités compétentes ;
  • constituée d’au moins deux hôpitaux ;
    • agréés distinctement au moment de la création du réseau ;
    • qui se trouvent dans une zone géographiquement continue ; et
    • qui proposent des missions de soins locorégionales de manière rationnelle et complémentaire.  

Cette obligation de collaboration en réseaux hospitaliers résulte de la loi du 28 février 2019 « modifiant la loi coordonnée du 10 juillet 2008 sur les hôpitaux et autres établissements de soins, en ce qui concerne le réseautage clinique entre hôpitaux ».

Pour davantage d’informations relatives à l’entrée en vigueur de cette loi, on renverra aux actualités publiées les 15 et 25 novembre 2019.

La mise en œuvre de l’obligation de rejoindre un réseau locorégional

Le paysage hospitalier belge a été découpé en plusieurs réseaux locorégionaux :

  • 8 réseaux en Région wallonne – dont 7 agréés par la Région wallonne et 1 par la Communauté germanophone et par la Région wallonne ;
  • 13 réseaux en Région flamande – tous agréés par la Communauté flamande ;
  • 4 réseaux en Région de Bruxelles-Capitale – dont 3 agréés par la COCOF et/ou la CGG et/ou la Communauté française et/ou la Région wallonne et 1 agréé par la Communauté flamande.

Dans ce cadre, plus de 100 hôpitaux ont dû s’entendre afin de se répartir au sein de ces 25 réseaux locorégionaux.

On aurait dès lors pu s’attendre à un certain « remue-ménage »… Pourtant, la répartition des hôpitaux en réseaux ne semble pas avoir donné lieu à un contentieux important.

On pointe tout de même un arrêt du Conseil d’État n°258.509 du 19 janvier 2024 qui concerne directement le processus de constitution de réseaux hospitaliers locorégionaux.

L’arrêt du Conseil d’État n°258.509 du 19 janvier 2024

L’objet du litige

Le litige fait suite à la décision de l’ADP ASSOCIATION POUR L’EXPLOITATION DE LA CLINIQUE REINE ASTRID DE MALMEDY (le CHRAM) de rejoindre un réseau en cours de formation plutôt qu’un autre réseau également en cours de formation.

Un des hôpitaux du réseau délaissé, L’ASBL GROUPE SANTÉ CHC (le CHC), a introduit un recours auprès du Conseil d’État dans le but d’obtenir la suspension puis l’annulation de cette décision.

(N.B. : La CLINIQUE SAINT-JOSEF DE SAINT-VITH, qui fait partie du même réseau que celui du CHC, a introduit un recours identique. A notre connaissance, aucun arrêt n’a été rendu dans le cadre de la procédure d’annulation. Dans le cadre de la procédure en suspension, le Conseil d’État a considéré que la Clinique Saint-Josef n’avait pas intérêt au recours car la proposition de rejoindre le réseau n’émanait ni d’elle, ni du réseau en devenir, mais du CHC).

La décision du Conseil d’État

Si le Conseil d’État n’a pas fait droit à la demande de suspension (en raison du défaut d’urgence), il a néanmoins procédé à l’annulation de la décision du CHRAM de ne pas rejoindre le réseau locorégional dont le CHC fait partie.

En effet, dans son arrêt n°258.509 du 19 janvier 2024, le Conseil d’État constate que le conseil d’administration du CHRAM était composé de membres illégalement désignés et que la décision qu’ils ont adoptée devait dès lors être annulée.

L’intérêt principal de cet arrêt par rapport aux réseaux locorégionaux réside dans l’examen de la recevabilité du recours.

Au moment de l’introduction du recours, aucun des deux réseaux locorégionaux auxquels le CHRAM aurait pu se joindre n’existait. On se trouvait encore dans la phase précontractuelle précédant la constitution de ces réseaux. Se posait dès lors la question de savoir si la décision par laquelle un hôpital décide de rejoindre un réseau en cours de formation est susceptible de recours au Conseil d’État ou s’il s’agit, au contraire, d’un acte préparatoire ne modifiant pas encore l’ordonnancement juridique.

Dans la mesure où le CHC a introduit ce recours isolément des autres membres du réseau en devenir, la question de son intérêt se posait également.

Le Conseil d’Etat considère que le CHC a un intérêt au recours et que la décision attaquée est une décision susceptible de recours en ce qu’une telle décision :

  • constitue un acte administratif produisant des effets juridiques – et non pas un acte préparatoire – qui s’analyse « en la décision unilatérale d’une autorité administrative par laquelle celle-ci choisit un partenaire pour mener conjointement une opération contractuelle dans un stade ultérieur, en l’occurrence l’opération d’ériger un réseau hospitalier clinique locorégional » ;
  • produit des effets juridiques causant directement grief à la partie requérante qui subit « la perte d’un partenaire contractuel pour le projet de formation d’un réseau hospitalier clinique locorégional, au profit d’un réseau concurrent ». 

Quel avenir pour les réseaux ?

Les hôpitaux ont en principe désormais intégrés des réseaux locorégionaux.

Il reste à savoir si la réglementation évoluera afin de tenir compte de cette nouvelle structuration du paysage hospitalier ou si, au contraire, les hôpitaux se trouveront face à une « coquille vide ». 

Certes, l’arrêté royal du 23 novembre 2022 « qualifiant les missions de soins suprarégionales et les missions de soins locorégionales des réseaux hospitaliers cliniques locorégionaux et déterminant l’offre géographique des missions de soins locorégionales des réseaux hospitaliers cliniques locorégionaux » donne quelques indications utiles. Mais, plus de 5 années après l’entrée en vigueur de la réforme, on demeure dans l’attente d’autres éclaircissements.

Il faudra probablement attendre l’issue des élections et la constitution des futurs gouvernements pour savoir ce qu’il en adviendra…

Pour toute question relatives aux réseaux locorégionaux ou plus largement, au droit de la santé, n’hésitez pas à prendre contact avec Manon MARTIN et Fabien Hans.

Marché public de médicaments et équivalence thérapeutique

Une variété de capsules et de comprimés colorés, rappelant un marché public de médicaments animé, sont dispersés sur un fond blanc. Les capsules affichent des teintes de rouge, de bleu, de jaune et de vert, tandis que les comprimés restent blancs.

Le 21 décembre 2023, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la question de l’équivalence thérapeutique dans le cadre d’un marché public de médicaments. Il a considéré que le refus d’une offre ne pouvait se fonder sur le seul constat que la molécule proposée était différente de celle reprise dans les spécifcations techniques et qu’il fallait examiner concrètement l’équivalence thérapeutique sur la base des éléments fournis dans l’offre.

L’affaire

L’affaire concerne l’attribution du lot portant sur un médicament composé d’une molécule spécifique (« Pegfilgratisme 6mg/x ml (injectable) »).

Dans son offre, le requérant proposait un médicament à base d’un composant (le « Lipegfilgrastim »). Il y expliquait l’effet thérapeutique similaire de la molécule de son produit en citant plusieurs études. Cette offre a été considérée comme irrégulière et écartée, pour le motif qu’il ne s’agissait pas de la molécule exigée.

Marchés public de médicaments et spécifications techniques

Le Conseil d’Etat rappelle ici la nécessité de respecter l’article 53 §6 de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics dans le cadre d’un marché public de médicaments.

Cette disposition impose au pouvoir adjudicateur qui se réfère à des spécifications techniques de ne pas rejeter une offre au motif que les fournitures offertes ne sont pas conformes aux spécifications techniques dès lors que le soumissionnaire prouve dans son offre que les solutions proposées saitsfont de manière équivalente aux exigences définies par les spécifications techniques.

Comment vérifier l’équivalence thérapeutique ?

Dans son arrêt, le Conseil d’Etat rappelle l’importance de vérifier cette équivalence thérapeutique de manière effective et précise en cas de marché de médicaments. Il juge de manière relativement directe que « sous le couvert d’une motivation en apparence très longue, l’auteur de la décision attaquée expose à quatre reprises que les molécules ne sont pas équivalentes parce qu’elles sont différentes ».

Qu’est-ce qu’aurait dû faire l’hôpital ? L’hôpital aurait dû aller au-delà de ce constat et exposer concrètement pourquoi les deux molécules ne permettent pas d’aboutir à des résultats équivalents, contrairement à ce qui avait été expliqué par le soumissionnaire dans son offre.

On soulignera que le Conseil d’Etat va plus loin en soulignant qu’en l’espèce, une motivation renforcée s’imposait au regard des éléments apportés dans l’offre.

Institutions de soins et professionnels de la santé: que faire face à une décision défavorable de l’INAMI ?

Illustration d'une personne joyeuse en blouse blanche, debout devant un grand ordinateur portable affichant un cœur avec une ligne de battement de cœur, symbolisant la santé. Une horloge au-dessus suggère que le timing est essentiel pour explorer les différentes voies de recours possibles contre une décision de l'INAMI.

Les institutions et les prestataires de soins (médecins, infirmiers, pharmaciens, dentistes, …) peuvent être confrontés à une décision de l’INAMI qui leur cause préjudice.

C’est par exemple le cas lorsque le service d’évaluation et de contrôle institué au sein de l’INAMI (le SECM) estime qu’ils ont manqué à leurs obligations.

On pense notamment à l’article 73 de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités (loi ASI), selon lesquels les prestataires de soins doivent s’abstenir de prescrire ou de faire prescrire, d’exécuter ou de faire exécuter des prestations superflues ou inutilement onéreuses à charge du régime d’assurance obligatoire soins de santé et indemnités.

Si le SECM considère qu’un prestataire a facturé des honoraires pour des prestations indument attestées, par exemple sur la base d’un code de nomenclature inexact, il peut décider de le poursuivre.

Au terme d’une procédure administrative prévue par la loi (PV de constat d’infraction, etc.), les instances de l’INAMI peuvent imposer à l’institution ou au prestataire concerné un remboursement d’indu mais aussi une amende administrative.

Recours

Face à une décision de ce type, l’institution de soins ou les professionnels de la santé peuvent introduire un recours devant :

  • Le Fonctionnaire dirigeant du service d’évaluation et de contrôle, pour lesinfractions les moins graves, identifiées à l’article 143 de la Loi ASI (certaines infractions dont la valeur des prestations potentiellement perçues indument est inférieure à 35.000 euros, etc.) ;
  • La Chambre de première instance installée auprès du SECM, pour toutes les autres infractions.

Les décisions du Fonctionnaire dirigeant sont susceptibles d’appel devant la Chambre de première instance, qui peut les réformer.

Lorsqu’elle ne statue pas comme juridiction d’appel, les décisions de la Chambre de première instance peuvent faire l’objet d’un recours devant la Chambre de recours.

Les décisions de la Chambre de première instance statuant en dernier ressort et les décision de la Chambre de recours peuvent faire l’objet d’un recours en cassation administrative devant le Conseil d’Etat.

Chambre de première instance et Chambre de recours

La Chambre de première instance et la Chambre de recours sont des juridictions administratives instituées au sein de l’INAMI sur la base de l’article 161 de la Constitution.

Bien que ces juridictions administratives soient instituées au sein de l’organe de contrôle de l’INAMI, elles sont indépendantes.

Elles sont présidées par un magistrat professionnel (magistrat ou ancien magistrat), et composées de deux médecins et de deux représentants des organismes assureur

Leurs règles de fonctionnement sont réglées par la loi ASI et par un arrêté royal du 9 mai 2008. Les règles du Code judiciaire peuvent également s’appliquer à titre supplétif.

La Chambre de première instance et la Chambre de recours doivent motiver leurs décisions

Dans un arrêt du 26 octobre 2023, le Conseil d’État rappelle que ces juridictions administrative ont l’obligation de motiver leur décision.

Cette motivation « doit permettre aux justiciables et au Conseil d’État, saisi d’un recours en cassation, de vérifier que la juridiction a complètement examiné les éléments du dossier et a répondu aux arguments qui lui ont été présentés ».

Pour atteindre son but, l’obligation de motiver implique que la juridiction administrative réponde explicitement ou implicitement à toute demande, exception, défense et à tout argument pertinent formulé par les parties.

Dans l’affaire soumise au Conseil d’État, la Chambre des recours avait condamné un infirmier et l’ASBL qui facturaient des prestations tarifées alors qu’elle paraissait non-conformes (absence de dossier infirmier, …) ou non effectuées.

Au cours de leur défense, l’infirmier et l’asbl avaient invoqué l’illégalité d’un article de l’arrêté royal établissant la nomenclature des soins de santé. Malgré cela, la Chambre des recours les a condamné sur la base de cette disposition, sans répondre à l’argument.

Dans son arrêt, le Conseil d’État juge qu’en s’abstenant de faire état de cet argument dans sa décision et en n’expliquant dès lors pas pourquoi il ne devait pas être suivi, la Chambre de recours a manqué à son obligation de motiver sa décision, « qui implique qu’elle rencontre les moyens et arguments invoqués par la partie requérante, du moins lorsqu’elle les rejette ».

Le Conseil d’Etat pose un constat identique à propos du silence de la décision de la Chambre de recours à propos de la demande d’octroi d’un sursis formulée par les requérants, qui avaient été condamnés au remboursement des prestations indument perçues.

Si vous êtes confrontés à une situation similaire ou si vous vous posez des questions sur les recours dont disposent les institutions ou les prestataires de soins contre les décisions de l’INAMI, n’hésitez pas à nous contacter.

Pharmacies : le point sur les dernières évolutions de la réglementation

Illustration d'une femme en blouse blanche sur un écran d'ordinateur, debout dans une pharmacie avec des étagères de médicaments derrière elle. Il s'agit probablement d'une pharmacienne, et le cadre numérique suggère une consultation en ligne ou une pharmacie virtuelle.

Les évolutions rencontrées dans ce secteur d’activité suscitent des questions voire des inquiétudes des professionnels. C’est l’occasion pour nous de revenir sur certaines balises importantes à garder à l’esprit.

Moratoire maintenu

Par un arrêté royal du 5 décembre 2019, le moratoire a été maintenu jusqu’au 8 décembre 2024.

Aucune demande visant à ouvrir une nouvelle officine ne peut donc être introduite jusqu’à cette date, sans préjudice d’un éventuel nouveau prolongement. Au moins jusqu’à cette échéance, c’est donc toujours en termes de transfert ou de fusion que les projets futurs doivent être réfléchis.

Nouvelles conditions pour le transfert et la fusion des officines

Les demandes introduites depuis le 1er décembre 2021 sont soumises à l’arrêté royal du 16 janvier 2022 « concernant l’enregistrement et la répartition des officines ouvertes au public (…) ». Cette nouvelle réglementation entraîne d’importantes modifications par rapport au régime antérieur.

1. Transfert

N.B. : il n’y a plus de distinction entre le transfert « longue distance » et le transfert au sein d’une même commune ou dans une commune limitrophe. Il n’est donc plus question des conditions (parfois polémiques) d’amélioration de la répartition géographique ou démographique entre les officines.

Par ailleurs, il est à présent expressément indiqué que les distances se calculent par la route, excluant le calcul à vol d’oiseau. De plus, l’arrêté fixe la méthode pour calculer la zone d’influence qui doit inclure l’ensemble des rues et portions de rues délimitées par les demi-distances entre les officines.

Conditions à respecter

A l’exception des transferts à proximité immédiate, tous les transferts sont soumis aux conditions alternatives suivantes :

Soit le nombre d’officines dans la commune concernée ne dépasse pas le quotient de la division de la population par 5.000 ;

Soit, selon le cas :

  • si l’officine la plus proche se trouve à au moins 1.000 mètres : l’officine projetée doit pouvoir couvrir, au moment de la demande, les besoins d’au moins 2.500 habitants ;
  • si l’officine la plus proche se trouve à au moins 3.000 mètres : l’officine projetée doit pouvoir couvrir, au moment de la demande, les besoins d’au moins 2.000 habitants ;
  •  si l’officine la plus proche se trouve à au moins 5.000 mètres : l’officine projetée doit pouvoir couvrir, au moment de la demande, les besoins d’au moins 1.500 habitants.

2. Fusion

Conditions cumulatives à respecter :

  • Il faut que les officines concernées soient implantées dans la même commune ou dans une commune limitrophe ; et
  • qu’après la fusion, le nombre d’officines dans chaque commune concernée ne soit pas inférieur au quotient de la division de la population par 5.000 ; et
  • que l’officine qui sera fermée après la fusion, ne se trouve pas :
    • A au moins 1 km de l’officine la plus proche ET si celle-ci couvre les besoins de 2.500 habitants ;
    • A au moins 3 km de l’officine la plus proche ET si celle-ci couvre les besoins de 2.000 habitants ;
    • A au moins 5 km de l’officine la plus proche ET si celle-ci couvre les besoins de 1.500 habitants.

3. Fusion + transfert

Lorsque le demandeur dispose de deux officines et qu’il veut en fermer une et transférer l’autre, il doit remplir les conditions cumulatives suivantes :

  • l’une de ses officines doit se trouver à 3.000 mètres du lieu projeté pour le transfert ;
  • le lieu projeté doit se trouver en dehors d’un certain périmètre qui varie en fonction de la population de la commune concernée (distance de 100 mètres par rapport à l’officine la plus proche si la commune compte au moins 30.000 habitants, de 500 mètres si la commune compte entre 7.500 et 30.000 habitants et 1.000 mètres si la commune compte moins de 7.500 habitants) ;
  • à la suite de l’opération, le nombre d’officines dans la/les commune(s) concernée(s) ne peut être inférieur à un.

Le contenu des demandes et la procédure de traitement des demandes sont entièrement revus

La demande ne doit plus inclure la preuve que le demandeur pourra disposer des lieux. Elle doit, par contre, inclure un rapport d’un géomètre contenant le calcul de la zone d’influence et des distances entre les officines.

Concernant la procédure auprès de l’AFMPS, l’arrêté royal maintient la règle selon laquelle les demandes sont traitées dans l’ordre chronologique d’introduction mais certaines différences existent par rapport à l’ancienne réglementation :

  1. C’est le secrétariat qui tranche la question de la recevabilité de la demande (délai de rigueur : 30 jours, à défaut la demande est réputée recevable) ;
  2. Il n’y a plus que l’avis du pharmacien-inspecteur qui est requis (délai de rigueur de 40 jours, à défaut l’avis est réputé favorable) ; 
  3. La procédure se clôture par un rapport du Fonctionnaire d’implantation (délai d’ordre – c’est-à-dire que son dépassement n’emporte pas de conséquence – de 30 jours après l’avis ou de 15 jours après la dernière audition à l’AFMPS) ;
  4. Le Ministre ou son délégué décide (délai d’ordre de 30 jours) ;
  5. En cas de transfert temporaire ou à proximité immédiate, la décision est prise par le Fonctionnaire d’implantation si l’avis du pharmacien-inspecteur est positif.

Attention :

Les demandes sont publiées sur le site de l’AFMPS et ne sont plus notifiées aux autres officines. Les officines concernées ont un délai de 30 jours à compter de la publication pour faire valoir leurs observations, sous peine de déchéance. Il est possible d’être entendu par le Fonctionnaire d’implantation sur demande.

Il n’y a plus de régime de jonction de demandes.

Périmètre de protection

Le périmètre de protection est également sensiblement revu et complété :

En cas de transfert : sauf le transfert à proximité immédiate, aucun transfert ne peut être autorisé dans un rayon de 1.500 mètres du lieu de l’officine après transfert. Ce périmètre vaut pour les demandes ultérieures :

  • pendant toute la durée de traitement de la demande de transfert ;
  • pendant 2 ans à compter de l’autorisation de transfert.

En cas de fusion : sauf le transfert à proximité immédiate, aucun transfert ne peut être autorisé dans un périmètre autour de l’officine qui continuerait d’exister après la fusion qui varie en fonction de la population de la commune (500, 1.000 ou 1.500 mètres). Ce périmètre vaut pour les demandes ultérieures :

  • pendant toute la durée de traitement de la demande de fusion ;
  • pendant 10 ans à compter de l’autorisation de fusion.

Fermeture temporaire

La fermeture temporaire d’une officine demeure possible mais le régime est sensiblement revu puisqu’à présent, l’autorisation de maintien ne vaut que pour 1 an (et non plus 3 ans) mais elle est prorogeable pour des motifs impérieux, jusque maximum 3 ans au total.

Réseaux hospitaliers : un report du délai ne paraît pas envisageable

Des chirurgiens en tenue d'hôpital et masqués effectuent une opération dans une salle d'opération animée, incarnant la précision des réseaux hospitaliers. Deux chirurgiens se concentrent intensément sur la procédure tandis que deux autres membres du personnel médical observent et discutent, avec des outils médicaux essentiels soigneusement disposés sur une table à proximité.

Une nouvelle circulaire concernant les réseaux hospitaliers en Région wallonne

Le 20 novembre dernier, la Ministre wallonne de la Santé a émis une circulaire à l’intention des hôpitaux afin de faire le point sur les démarches à accomplir en vue de l’agrément des réseaux hospitaliers.

Dans cette circulaire, elle commence par faire le point sur le cadre légal restant à adopter.  On renverra au très récent article rédigé à ce sujet.  Les informations données par la Ministre confirment que rien n’est encore prêt mais que tout sera adopté avant la fin de l’année 2019.  Elles confirment également qu’à ce stade, les conditions d’agrément qui seront adoptées en Région wallonne n’ajouteront rien aux conditions de la loi sur les réseaux.

Pas de report de l’échéance du 1er janvier 2020…

Malgré l’absence de cadre réglementaire, la Ministre confirme que les demandes d’agrément des réseaux devront avoir été introduites pour le 31 décembre 2019 au plus tard.  Elle anticipe donc sur le cadre réglementaire à créer et transmet aux hôpitaux, en annexe à cette circulaire, le questionnaire destiné à l’introduction de cette demande d’agrément.  En d’autre termes, le modèle de demande d’agrément est créé, en dehors de tout cadre réglementaire, avant l’adoption de la réglementation encadrant la procédure d’agrément…  Pour pallier à ce paradoxe, la Ministre qualifie ce document de « questionnaire » plutôt que de demande d’agrément. A ce « questionnaire », devra être joint un « mémoire présenté en vue de l’agrément d’un réseau hospitalier ».  Reste à savoir si ces documents pourront être assimilés à la demande d’agrément qui sera prévue par la réglementation à venir…

… mais de légers assouplissements

Compte tenu du retard mis à l’élaboration du cadre réglementaire, certains légers assouplissements semblent cependant admis.  La Ministre indique ainsi que, si le formulaire de demande d’agrément doit avoir été envoyé pour le 31 décembre, signé par l’ensemble des représentants des hôpitaux membres du réseau, les pièces devant constituer le dossier peuvent être envoyées ultérieurement.  On constate, également, que l’avis du Conseil médical ne doit pas forcément avoir été émis avant l’envoi de cette demande d’agrément mais devra être envoyé « dans les délais les plus courts ».  De même, les statuts de la nouvelle entité juridique constituant le réseau ne doivent être joints à la demande d’agrément que « s’ils sont déjà établis », ce qui laisse entendre que la personne morale en question ne doit pas forcément avoir été constituée avant l’introduction de la demande.

En ce qui concerne la décision à prendre concernant l’agrément du réseau, il est annoncé qu’elle sera adoptée dans les deux mois de la réception du dossier complet et rétroagira au 1er janvier 2020 de manière à respecter l’échéance de la loi du 28 février 2019.

Si les hôpitaux ne disposeront d’aucun report de délai pour introduire leur demande d’agrément, il se confirme en revanche que l’agrément ne sera pas délivré pour la date butoir du 1er janvier 2020.  Reste à voir comment l’autorité fédérale compte traiter les hôpitaux qui n’auront pas reçu d’agrément de leur réseau hospitalier dans le délai imparti par la loi fédérale du 28 février 2019.

Les professionnels de la santé peuvent-ils faire de la pub ?

Deux professionnels de la santé en blouse blanche tiennent des stéthoscopes, la cloche tournée vers la caméra. Leurs visages sont invisibles, ce qui met en valeur les stéthoscopes. Cette scène pourrait facilement faire partie d'une publicité pour des services de santé, illustrant l'expertise et la confiance dans le toucher de chaque médecin.

Le 6 novembre dernier, le Conseil d’Etat français a confirmé que l’interdiction générale de publicité qui s’imposait jusqu’alors aux médecins et aux dentistes en France portait atteinte à la libre prestation de services au sein de l’Union Européenne et à la Directive sur le commerce électronique.

Dans une série d’articles publiés récemment dans nos actualités, nous avons abordé la question de l’encadrement de la publicité des pharmacies. La décision du Conseil d’Etat français nous donne cette-fois-ci l’occasion de faire le point sur l’état de la réglementation en Belgique pour les autres professions médicales : quelle publicité un professionnel de la santé peut-il mettre en œuvre sans risquer d’être sanctionné ? Le dispositif légal est-il conforme au droit européen ?

Droit de la santé vs. droit de faire de la publicité

La réglementation de la publicité en matière de soins de santé s’apparente à un jeu d’équilibre entre les intérêts économiques des professionnels de la santé et les objectifs de santé publique. Si les premiers peuvent légitimement aspirer à une certaine visibilité sur le marché de la santé, ces objectifs pourraient être mis à mal dans l’hypothèse d’une publicité trompeuse, subjective ou trop envahissante.

Aussi, pour préserver le droit à la santé, il faut parfois pouvoir restreindre la libre des prestations des services. Mais pas à n’importe quel prix : une limitation de la libre prestation des services doit être justifiée par un motif d’intérêt général et être efficace et nécessaire pour atteindre cet objectif. Les restrictions apportées au droit de faire de la publicité des prestataires de soins n’échappent pas à la règle.

Le Conseil d’Etat français a fait application de cette jurisprudence en jugeant illégale l’interdiction pure et simple imposée aux médecins et aux dentistes en France, de toute publicité directe ou indirecte. En effet, une interdiction aussi absolue ne satisfait pas à l’exigence de stricte nécessité issue du droit de l’Union.

L’encadrement de la publicité en Belgique

En Belgique, la faculté pour les prestataires de soins de santé de faire de la publicité est en premier lieu régie par l’article 127, § 2 de la loi relative à l’assurance soins de santé et indemnités, qui interdit toute publicité mentionnant la « gratuité des prestations de santé ou faisant référence à  l’intervention de l’assurance soins de santé dans le coût de ces prestation ».

Derrière cette interdiction ciblée se cache l’idée que l’intervention de l’assurance soins de santé représente un coût pour la société. Elle n’a pas à servir d’argument publicitaire en faveur d’un professionnel de la santé.

Les Codes de déontologie encadrent plus concrètement les pratiques publicitaires des différentes professions médicales. Il n’est pas rare de les voir régir la taille des plaques des prestataires de soins, la mention du nom desdits praticiens dans des publications locales ou en lignes ou encore, l’annonce de l’ouverture d’un cabinet.

Par exemple, le nouveau Code de déontologie médicale de l’Ordre des médecins reconnait et encadre le droit du médecin à faire usage de la publicité et liste une série de pratiques interdites. Du manière générale, il rappelle l’obligation de donner des « informations (…), quelle qu’en soit la forme, (…) conformes à la réalité, objectives, pertinentes, vérifiables, discrètes et claires. Elles ne peuvent pas être trompeuses ni inciter à des prestations médicales superflues ». Sont interdits toute forme de publicité trompeuse ou comparative et la publication de témoignages de patients ou de données couvertes par le secret médical. Le profilage sur internet est également proscrit, ainsi que la promotion commerciale de produits de santé.

Le Code éthique et déontologique des logopèdes contient, en son article 2.2 des restrictions similaires. L’annonce de l’ouverture d’un cabinet y est particulièrement encadrée.

Le Code de conduite du kinésithérapeute exige que la publicité reflète la réalité et que les éléments qui y sont mentionnés puissent être vérifiés. Elle empêche aussi le kinésithérapeute d’« abuser dans sa publicité (…) des fonctions, missions et mandats exercés en dehors de la pratique professionnelle de kinésithérapeute ».

Contrairement à la règlementation française mise en cause dans la décision commentée, ces règles n’interdisent pas la publicité de manière générale et abstraite. En ce sens, elles nous paraissent plus conformes à la réglementation européenne. Encore-faut-il voir de quelle manière elles sont concrètement interprétées et appliquées par les autorités ordinales.

Les avis des Ordres professionnels médicaux

 

On épinglera certains avis récents du Conseil national de l’Ordre des médecins, toutefois rendus au sujet de cas concrets, dans un contexte bien déterminé.

◊ Le Conseil national de l’Ordre des médecins émet de sérieuses réserves concernant une publicité faite pour la réalisation d’une échographie « souvenir » à des fins non médicales, dont l’intérêt commercial ne présente aucun bénéfice compensant le risque encouru par le fœtus.

◊ Au sujet d’une plate-forme internet sur laquelle un internaute peut rechercher un médecin ou un hôpital, recommander un médecin et conseiller un spécialiste pour une pathologie déterminée à son cercle familial ou amical, le Conseil national de l’Ordre des médecins relève notamment que ces données pouvaient être erronées ou trompeuses en l’absence de possibilité, « pour des sources privées, de suivre de près les changements dans l’activité professionnelle d’un médecin ».

◊ Il considère par contre qu’une plate-forme permettant la prise de rendez-vous médicaux en ligne rencontre les intérêts du patient s’il n’est pas porté atteinte à son libre choix et sous réserve du respect du secret médical et des règles de confraternité (absence d’affichage de certains noms de manière préférentielle).

◊ Concernant la collaboration de médecins avec des centres de beauté, de bien-être et de soins, le Conseil national s’oppose à ce qu’ils exercent leur activité « dans des locaux commerciaux ou dans tout autre lieu où sont mis en vente des médicaments, produits ou appareils qu’il prescrit ou qu’il utilise» et rappelle que tout médecin «doit s’opposer à ce que des structures commerciales utilisent son nom ou son activité professionnelle à des fins publicitaires ».

Mieux vaut prévenir que guérir…

Avant de mettre en place une publicité, le médecin ou tout autre professionnel de la santé dont l’activité est réglementée a donc intérêt à se poser certaines questions.

Les informations que je communique sont-elles objectives, pertinentes et vérifiables ? Rencontrent-elles l’intérêt du patient ?

La publicité est-elle conforme à l’intérêt de la collectivité qui finance l’intervention de l’assurance soins de santé ? Risque-t-elle de générer la prise en charge de soins superflus ?

La publicité pourrait-elle être taxée de publicité comparative ?

Le Code de déontologie applicable édicte-il certaines modalités de communication à respecter ?

Au besoin, le praticien est invité à interroger les autorités ordinales et/ou à se faire conseiller par un professionnel du droit.

…mais mieux vaut guérir que mourir !

Si le praticien se voit opposer un refus de mettre en place une publicité ou infliger une sanction en raison d’une publicité mise en œuvre et que ce refus ou cette sanction ne lui semble pas justifié ou bien disproportionné par rapport aux objectifs de protection de la santé avancés, il pourra s’interroger sur la compatibilité de la réglementation ou de la décision litigieuse avec le droit européen. L’interdiction édictée repose-t-elle sur des raisons impérieuse d’intérêt général ? Est-elle réellement nécessaire, efficace et proportionnée au regard de l’objectif de santé publique poursuivi ?

Une chose est certaine, ces questions sont amenées à se manifester avec une acuité particulière dans un contexte d’uberisation et de commercialisation de la société dans tous ses aspects, auquel le secteur de la santé n’échappe pas. En effet, le nombre d’outils destinés à mettre en contact, à promouvoir ou à « noter » les professionnels de la santé auprès de patients potentiels ne cesse de croître et, avec lui, l’impact potentiel de la publicité sur la santé publique.

Vous souhaitez vous faire assister sur ces questions ? Contactez nous !

Le chantier des réseaux hospitaliers locorégionaux: l’échéance du 1er janvier 2020 intenable ?

Des chirurgiens en tenue d'hôpital et masqués effectuent une opération dans une salle d'opération animée, incarnant la précision des réseaux hospitaliers. Deux chirurgiens se concentrent intensément sur la procédure tandis que deux autres membres du personnel médical observent et discutent, avec des outils médicaux essentiels soigneusement disposés sur une table à proximité.

Mise à jour du 25 novembre 2019 : le 20 novembre dernier, la Ministre wallonne de la Santé a émis une circulaire à l’intention des hôpitaux afin de faire le point sur les démarches à accomplir en vue de l’agrément des réseaux hospitaliers. Plus d’information ici.

Tant à Bruxelles qu’en Région wallonne, les discussions vont bon train en vue de la conclusion de partenariats destinés à la création des réseaux hospitaliers locorégionaux.  Celles-ci se heurtent cependant à un cadre juridique largement incomplet à ce jour.

La nouvelle obligation d’affiliation à un réseau hospitalier

Le 7 avril 2019 est entrée en vigueur la loi du 28 février 2019 relative aux réseaux hospitaliers.

Il résulte de cette loi qu’au 1er janvier 2020, tout hôpital général du Royaume devra obligatoirement faire partie d’un réseau hospitalier clinique locorégional agréé.

Pour concrétiser cette réforme et permettre la mise en place des réseaux hospitaliers, plusieurs initiatives législatives et réglementaires étaient attendues :

♦  Tout d’abord, la loi du 28 févier 2019 habilite le Roi à prendre les arrêtés d’exécution indispensables pour définir les contours et le contenu d’un réseau hospitalier.

♦ Ensuite, une initiative régionale est nécessaire pour permettre la constitution de réseaux « publics/privés ».

♦  Enfin, la procédure et les conditions d’agrément du réseau hospitalier doivent être définies par les autorités compétentes en matière d’agrément.

Or, à moins de deux mois de l’échéance, le cadre réglementaire n’est toujours pas entièrement adopté pour permettre la mise en place et l’agrément de ces réseaux.

Les modalités concrètes de fonctionnement des futurs réseaux hospitaliers restent inconnues

Les arrêtés d’exécution de la loi du 28 février 2019 n’ont toujours pas vu le jour, en manière telle qu’il subsiste encore plusieurs inconnues quant aux modalités concrètes de fonctionnement des réseaux hospitaliers.

Ces arrêtés royaux sont censés définir, notamment, les missions de soins « locorégionales » et les missions de soins « suprarégionales ».  C’est en fonction de cette subdivision que l’on saura quelles missions de soins devront être pratiquées au sein des réseaux locorégionaux et celles qui seront réservées aux hôpitaux considérés comme « points de référence » pour exercer certaines missions de soins nécessitant une expertise dans un domaine donné.

Le Gouvernement étant en affaires courantes depuis le mois de mai dernier, on ignore quand ces arrêtés pourront être pris.  L’absence de ces arrêtés complique inévitablement les discussions entre partenaires potentiels au sein des réseaux, contraints de négocier à l’aveugle.

La difficulté de constituer des réseaux hospitaliers « publics / privés »

En l’état actuel du droit, les personnes morales de droit public ne peuvent s’associer avec des personnes morales de droit privé que sous la forme d’associations Chapitre XII » (ou Chapitre XIIbis à Bruxelles).

Cela pose au moins deux problèmes pour la constitution de réseaux « publics/privés ».

Tout d’abord, les organes des associations « Chapitre XII » devaient (en Région bruxelloise) ou doivent (en Région wallonne) être obligatoirement composés majoritairement de représentants des institutions publiques. Cela empêche en pratique toute constitution d’un réseau hospitalier public/privé, composé majoritairement d’hôpitaux privés.

En Région de Bruxelles-Capitale, la loi sur les CPAS a été adaptée par une ordonnance du 14 mars 2019 pour convertir cette obligation de composition publique majoritaire en une faculté.

En Région wallonne, aucun décret n’a été adopté en ce sens mais, comme on le verra ci-après, deux propositions de décrets sont sur le point d’être votées pour permettre la constitution de réseaux publics-privés sous la forme d’une asbl de droit privé.

Se pose ensuite la délicate question du contrôle des associations « chapitre XII » et « chapitre XIIbis ». A l’heure actuelle, celles-ci sont obligatoirement soumises à un contrôle de tutelle en raison du caractère essentiellement public de ces institutions.  Or, les partenaires privés au sein d’un réseau « public/privé » ne sont pas enclins à voir les décisions du réseau soumises à un tel contrôle lorsque ce réseau est majoritairement privé.

En Région de Bruxelles-Capitale, un avant-projet d’ordonnance a été rédigé pour permettre la constitution d’associations public/privé sous la forme d’asbl.  L’idée de dispenser les réseaux hospitaliers publics/privés du contrôle de tutelle de l’association faîtière IRIS fait cependant l’objet de vives réticences et, en l’état actuel des discussions, les projets de textes maintiennent un tel contrôle.

En Région wallonne, deux propositions de décrets ont été déposées au Parlement wallon, l’une concernant les CPAS et l’autre les Intercommunales.  Ces propositions de décrets ont été votées le 12 novembre dernier par la Commission wallonne des pouvoirs locaux. Elles doivent encore être confirmées en séance plénière du Parlement.  Elles consistent à permettre aux réseaux hospitaliers publics-privés de se constituer sous une forme juridique libre, la forme de l’asbl de droit privé étant cependant celle qui est principalement retenue.

Si, en Région wallonne, les contours de la forme juridique des réseaux publics-privés semblent sur le point de se dessiner, la situation reste bien plus incertaine en Région de Bruxelles-capitale.   Nul doute que cela complique la position des hôpitaux quant au choix des partenaires de réseau.

Le flou quant aux conditions d’agrément des réseaux hospitaliers

A l’heure actuelle, les conditions d’agrément de ces réseaux n’ont toujours pas été définies.

En Région de Bruxelles-Capitale, très peu d’éléments filtrent quant au contenu des conditions d’agrément qui seraient adoptées.

En Région wallonne, une proposition de décret visant à habiliter le Gouvernement wallon à déterminer les normes d’agrément en question s’apprête à être déposée.  Ceux-ci sont encore flous.  On parle essentiellement de trois critères, à savoir la qualité du territoire couvert par les réseaux, les relations avec les acteurs de santé de première ligne et l’intégration de partenariats avec le secteur de la santé mentale.

Compte tenu du peu d’avancées dans la définition des conditions d’agrément, on doit s’attendre à ce que, dans un premier temps, les demandes d’agrément des réseaux soient examinées exclusivement au regard des conditions fixées dans la loi fédérale du 28 février 2019.   Ce sera probablement dans un second temps que les autorités régionales définiront de nouvelles conditions d’agrément.  Restera à déterminer ce qu’il adviendra des réseaux hospitaliers agréés avant la date d’adoption de ces nouvelles conditions.

La procédure d’agrément des réseaux hospitaliers

En Région de Bruxelles-Capitale, un arrêté du Collège réuni de la COCOM du 9 juillet 2019 détermine la procédure d’agrément des réseaux hospitaliers. Ce texte n’apporte pas d’éléments très concrets autour du processus d’instruction des demandes d’agrément de réseaux.

A notre connaissance aucun texte n’a encore été adopté pour définir la procédure d’agrément des réseaux en Région wallonne.

Quelles conséquences pour une échéance intenable ?

Théoriquement, on pourrait déduire de la loi du 28 février 2019 qu’un hôpital général qui, au 1er janvier 2020, ne fera pas partie d’un réseau hospitalier locorégional agréé ne pourra plus être considéré comme hôpital au sens de l’article 2 des lois coordonnées sur les hôpitaux.

Doit-on en déduire que les autorités entreprendront, dès le 2 janvier 2020, des démarches en vue de retirer l’agrément des hôpitaux ne faisant pas partie d’un réseau ?  Etant donné l’extrême retard de la part des autorités fédérale et régionales dans l’adoption des textes visant à concrétiser le régime juridique des réseaux hospitaliers, cela paraît peu probable. Il n’empêche que l’insécurité juridique pouvant en découler pour les hôpitaux est importante.

Me Fabien HANS assiste et conseille plusieurs institutions hospitalières dans le cadre de leur gestion interne, de leurs relations avec les pouvoirs publics et de leurs relations avec les dispensateurs de soins.