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Indication des voies et délais de recours : vers une généralisation

Silhouette d'un panneau de signalisation sur fond de ciel de coucher de soleil vibrant, avec des nuances de rose, d'orange et de bleu. La scène évoque un sentiment de choix et de voyage, invitant les voyageurs à réfléchir à leur recours à l'approche du crépuscule.

L’obligation d’indication des voies et délais de recours se généralise, tant en matière administrative (en cas de décision administrative individuelle) que juridictionnelle (lorsqu’un recours est ouvert après une décision de justice).

1. Indication des voies et délais de recours en matière administrative

Une déclinaison de la transparence administrative

Les garanties de transparence impliquent un droit à la publicité « passive » de l’administration, consacré par l’article 32 de la Constitution, mais également un droit à la publicité « active », voulant que l’administration communique d’elle-même certaines informations aux administrés.

Ainsi, en raison de l’obligation de transparence, les autorités publiques qui prennent des décisions individuelles doivent y indiquer les voies et les délais de recours administratifs ouverts aux destinataires desdites décisions.

Cette obligation constitue un élément essentiel des principes généraux de bonne administration de la justice et du droit d’accès au juge, garantis notamment par l’article 13 de la Constitution.

Conséquence en cas d’absence d’indication des voies et délais de recours : prolongation des délais de recours

Pour que cette obligation soit effective, il faut que son manquement soit sanctionné dans les textes légaux qui organisent les recours. Plusieurs législations particulières prévoient dès lors qu’en cas d’omission d’indication des voies de recours ou de mention incomplète de celles-ci, le délai de recours est prolongé.

Par exemple :

  • Les lois coordonnées sur le Conseil d’Etat disposent que lorsque la condition d’indication de l’existence des voies de recours ainsi que des formes et des délais à observer n’est pas respectée par l’autorité administrative, « les délais de prescriptions prennent cours quatre mois après que l’intéressé s’est vu notifier l’acte ou la décision à portée individuelle » (article 19, alinéa 2) ;

Attention en cas de mention d’une voie de recours erronée !

Si l’autorité commet une erreur dans l’indication des voies de recours, cela ne modifie aucunement les règles de compétence ou de procédure, de telle sorte que le recours du requérant qui se serait fié à ces indications peut être déclaré irrecevable (voir notamment l’arrêt C.E., n°226.099, 15 janvier 2014).

Et si les textes ne prévoient pas de sanction à la non-indication des voies de recours ?

Dans un récent arrêt n°178/2021 du 9 décembre 2021, la Cour constitutionnelle a été amenée à se prononcer sur le sort d’un texte organisant les recours administratifs qui n’attache aucune conséquence à l’absence d’indication des voies de recours.

La Cour constitutionnelle était interrogée sur la constitutionnalité de l’article 3, alinéa 1er du décret de la Région wallonne du 30 mars 1995 « relatif à la publicité de l’administration ». Ce texte ne prévoyait pas de sanction si une décision administrative à portée individuelle était prise par l’autorité régionale sans indiquer les voies et délais de recours.

La Région wallonne justifiait cette absence de sanction par son objectif de ne pas faire de l’indication des voies et délais de recours une formalité à ce point substantielle que son non-respect entraînerait l’annulation de l’acte et générerait dès lors une trop grande insécurité juridique.

Dans son arrêt, la Cour constitutionnelle juge que si un tel objectif de sécurité juridique « peut justifier que le non-respect de l’obligation en cause n’entraîne pas la nullité de la décision concernée, il ne saurait en revanche justifier que le non-respect de cette obligation ne soit sanctionné d’aucune manière » (B.9.1.).

En effet, selon la Cour, en omettant d’assortir l’absence d’indication des voies et délais de recours d’une sanction visant à préserver l’exercice effectif du droit d’accès au juge – par exemple : en prévoyant la prolongation des délais de recours -, le législateur décrétal prend une mesure qui produit des effets disproportionnés par rapport à l’objectif de sécurité juridique invoqué.

Le législateur décrétal devra donc revoir sa copie.

2. Indication des voies et délais de recours en matière juridictionnelle

Ainsi que l’a confirmé à plusieurs reprises notre Cour constitutionnelle, l’obligation d’indiquer les voies et délais de recours vaut tout autant pour les décisions juridictionnelles. Nous l’évoquons ici à travers deux exemples.

En cas de recours en cassation administrative

Dans son arrêt n°107/2020 du 16 juillet 2020, la Cour constitutionnelle a jugé que l’article 19, alinéa 2 des lois coordonnées sur le Conseil d’État, viole les articles 10, 11 et 13 de la Constitution « en ce qu’il ne prévoit pas l’obligation d’indiquer, dans la notification de la décision juridictionnelle administrative, l’existence d’un recours en cassation administrative ainsi que ses formes et délais ».

La Cour constitutionnelle y invite le législateur à « déterminer les modalités de l’obligation d’indiquer, dans la notification de la décision juridictionnelle administrative, l’existence d’un recours en cassation administrative ainsi que ses formes et délais ».

Depuis lors, l’article 19 des lois coordonnées sur le Conseil d’État du 12 janvier 1973 a été modifié pour y insérer ce qui suit :

 « Le délai de prescription pour les recours en cassation visés à l’article 14, § 2, ne prend cours que si la notification par la juridiction administrative de la décision contentieuse rendue en dernier ressort, indique l’existence de ces recours ainsi que les formes et le délai à respecter. Lorsque cette condition n’est pas remplie, le délai de prescription prend cours quatre mois après que la décision contentieuse rendue en dernier ressort ait été notifiée aux parties concernées ».

Lors de la signification d’une décision de justice

À ce jour, l’exploit de signification d’une décision de justice ne doit pas mentionner les voies et délais de recours. Cela devrait changer prochainement.

En effet, la  Cour constitutionnelle a jugé dans son tout récent arrêt n°23/2022 du 10 février 2022 que l’article 43 du Code judiciaire était inconstitutionnel parce qu’« il ne prévoit pas que, lors de la signification d’un jugement, il y a lieu d’indiquer les voies de recours, le délai dans lequel ce ou ces recours doivent être introduits ainsi que la dénomination et l’adresse de la juridiction compétente pour en connaître ».

L’on peut donc s’attendre à une modification législative afin de prévoir l’obligation d’indiquer les voies et modalités de recours lors de la signification d’un jugement et d’élaborer, en conséquence, une sanction résultant de l’absence d’une telle indication.

Les arrêts successifs de la Cour Constitutionnelle emportent une généralisation progressive de l’obligation de mention des voies et délais de recours ouverts aux administrés et justiciables à l’encontre des décisions dont ils sont les destinataires, sous peine d’une prolongation du délai de recours.

Pour toute question à propos des délais et/ou de la manière d’agir à l’encontre d’une décision administrative qui vous pose problème, n’hésitez pas à contacter Mes Manon Martin et Alexandre Paternostre.