Le CoDT n’est pas un plan programme. Par conséquent, il ne devait pas être précédé d’une évaluation des incidences sur l’environnement.
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Cet article constitue le second volet du diptyque consacré à l’obligation d’évaluation environnementale des plans et programmes publics. Le premier volet se penche sur la définition de plans et programmes telle que progressivement élaborée par la jurisprudence de la CJUE.
Le Conseil d’Etat annule un PRU et un RRUZ en raison de l’absence d’évaluation environnementale « plans –programmes »
À la suite des arrêts rendus par la Cour de Justice quant à l’interprétation à réserver à la notion de plans et programmes au sens de la directive 2001/42/CE, le Conseil d’État est amené à se prononcer sur les conséquences qui résultent de l’absence d’évaluation des incidences sur l’environnement préalablement à l’adoption de deux types de plans d’aménagement, à savoir le PRU en Région wallonne et le RRUZ en Région de Bruxelles-Capitale.
Le PRU du centre d’Orp-le-Petit à Orp-Jauche
A l’occasion d’un arrêt n°245.021 du 27 juin 2019, le Conseil d’État est amené à tirer les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice à propos du PRU adopté pour le centre d’Orp-le-Petit à Orp-Jauche. Il y pose plusieurs constats importants.
Tout d’abord, le Conseil d’État relève que, à partir du moment où le PRU est adopté par le Gouvernement wallon et non pas par une autorité locale, il ne peut être fait application de l’exonération dont peuvent bénéficier les petites zones au niveau local, en application de l’article 3, § 3 de la directive 2001/42/CE. Dès lors qu’une telle exonération n’est pas possible, une évaluation des incidences sur l’environnement du PRU reste en toute hypothèse requise.
Evaluation des incidences et… évaluation des incidences
Le Conseil d’État juge également, en se référant à la jurisprudence de la Cour de justice sur le sujet, que le fait que le projet porté par le PRU querellé ait fait l’objet d’une évaluation environnementale au sens de la directive 2011/92/UE sur l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (Directive « projets ») ne dispensait pas l’autorité de l’obligation de procéder à une évaluation au sens de la directive « plans et programmes » avant l’adoption du PRU.
Cependant, conformément à ce qu’a jugé la Cour de Justice dans un arrêt C-295/10 du 22 septembre 2011, le Conseil d’Etat estime qu’il y a lieu de vérifier si l’évaluation des incidences qui avait été réalisée pour se conformer à la Directive « projets » ne permettrait pas de satisfaire en même temps aux exigences de la Directive 2001/42 relative aux plans et programmes.
Le Conseil d’Etat répond à cette question par la négative dans le cas d’espèce. Il estime en effet qu’à défaut d’avoir consulté les instances régionales spécialisées en matière d’environnement avant la mise en œuvre de l’évaluation des incidences environnementales (en l’occurrence, un avis urgent du Conseil wallon de l’environnement pour le développement durable n’avait été sollicité qu’in extremis, après l’étude d’incidences) mais aussi d’avoir recueilli l’avis de ces instances sur le contenu de l’évaluation, les exigences de la directive « plans et programmes » n’avaient pas été respectées.
En conséquence, le Conseil d’Etat annule le PRU en question.
Le RRUZ de la rue de la Loi
Dans son arrêt n°245.528 du 25 septembre 2019, le Conseil d’État réserve un sort similaire au RRUZ adopté par le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale pour le périmètre de la rue de la Loi et ses abords, après avoir constaté qu’il s’agissait, là aussi, d’un plan ou programme qui aurait dû faire l’objet d’une évaluation des incidences adéquate préalablement à son adoption.
On relèvera, à cette occasion, que la Région de Bruxelles-Capitale demandait le maintien des effets du règlement annulé pour le passé mais que le Conseil d’Etat a rejeté cette demande en considérant que l’existence de circonstances exceptionnelles n’était pas établie en l’espèce.
Le Conseil d’Etat prend acte de l’interprétation donnée par la Cour de Justice de la notion de « plans et programmes » au sens de la Directive pour considérer que le PRU et le RRUZ constituent des « plans-programmes » soumis aux exigences de la Directive 2001/42.
L’absence d’une évaluation des incidences environnementales d’un plan ou programme n’aboutira pas forcément au constat d’illégalité de ce plan-programme s’il s’avère qu’il a été procédé, avant l’adoption de l’instrument planologique ou programmatique, à une évaluation des incidences qui répondrait à la fois aux exigences de la Directive 2011/92 « projets » et à celles de la Directive 2001/42 « plans et programmes ».
Pour plus de renseignements sur les évaluations des incidences sur l’environnement des projets ou des plans-programmes, n’hésitez pas à nous contacter.
Evaluation des incidences sur l’environnement des plans et programmes – Evolutions jurisprudentielles (partie 1)
Cet article constitue le premier volet d’un diptyque consacré à l’obligation d’évaluation environnementale des plans et programmes publics. Le second volet se penche sur les conséquences de la jurisprudence de la CJUE au travers de deux arrêts récemment rendus par le Conseil d’Etat au sujet de réglementations wallonne (PRU) et bruxelloise (RRUZ) en matière d’aménagement du territoire.
La notion de plans et programmes
Les plans et programmes publics couverts par la directive 2001/42/CE relative à l’évaluation stratégique environnementale doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale lors de leur élaboration et avant leur adoption. La notion de « plans-programmes » au sens de cette Directive est interprétée de manière large par la Cour de justice de l’Union européenne, soucieuse de garantir l’effet utile de l’obligation instituée par le législateur européen.
Dans son arrêt Inter-Environnement Bruxelles, n°567/10 du 22 mars 2012, la Cour de Justice de l’Union européenne a ainsi précisé qu’une telle obligation s’imposait également à la modification ou à l’abrogation d’un plan ou programme.
Dans un arrêt d’Oultremont n° C-290/15 du 27 octobre 2016, la Cour de Justice a réitéré la nécessité d’une interprétation large à conférer à la notion de « plans-programmes » dans le cadre de la directive 2001/42/CE. Cet arrêt répète des principes déjà énoncés dans la jurisprudence antérieure mais affine la notion de plans-programmes en précisant qu’elle « se rapporte à tout acte qui établit, en définissant des règles et des procédures de contrôle applicables au secteur concerné, un ensemble significatif de critères et de modalités pour l’autorisation et la mise en œuvre d’un ou de plusieurs projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ».
« Un ensemble significatif de critères et de modalités » pour la mise en œuvre de projets
Reste à déterminer ce qu’il y a lieu d’entendre par « ensemble significatif de critères et de modalités« …
En s’appuyant sur l’arrêt de principe d’Oultremont précité, la Cour de justice a également jugé que le Règlement d’urbanisme zoné (RRUZ) institué par le Code Bruxellois de l’Aménagement du Territoire relevait de la notion de « plans et programmes » au sens de la directive (arrêt C‑671/16 du 7 juin 2018, Inter-environnement Bruxelles e.a.). Cet arrêt précise que « la notion « d’ensemble significatif de critères et de modalités’’ doit être entendue de manière qualitative et non pas quantitative. En effet, il y a lieu d’éviter de possibles stratégies de contournement des obligations énoncées par la directive ESIE pouvant se matérialiser par une fragmentation des mesures, réduisant ainsi l’effet utile de cette directive ».
Par un arrêt Thybaut du même jour, la Cour de Justice a également eu l’occasion de se pencher sur le mécanisme wallon de Périmètre de Remembrement Urbain (PRU) et a considéré qu’il peut également être assimilé à un plan-programme au sens de la Directive. Or, l’objet de ce PRU ne contient pas, en tant que tel, des prescriptions positives mais consiste essentiellement à faciliter l’écart aux prescriptions urbanistiques d’application au sein de ce périmètre. La Cour de Justice a néanmoins considéré que, même si le PRU « ne contient pas lui-même des prescriptions positives », il établit un « ensemble significatif de critères et de modalités » dans la mesure où la délimitation du PRU emporte l’acceptation de principe du projet d’urbanisme voué à être implanté en son sein.
L’interprétation de la Cour de Justice sur la notion de plans-programmes peut paraître excessivement large mais elle contient, en réalité, des critères de plus en plus précis pour dresser les contours de cette notion. Cette interprétation large vise à garantir la réalisation efficace des objectifs de la Directive 2001/42.
Encore plus qu’auparavant, les autorités régionales devront se demander, avant l’élaboration de tout plan ou règlement relatif à l’aménagement du territoire et à l’environnement, s’il n’y a pas lieu de le précéder d’une évaluation « plans-programmes ». A défaut et comme on le verra dans la seconde partie de cette analyse, la légalité de cette réglementation pourrait être mise en cause.
Pour plus de renseignements sur les évaluations des incidences sur l’environnement des projets ou des plans-programmes, n’hésitez pas à nous contacter.