Le CoDT n’est pas un plan programme. Par conséquent, il ne devait pas être précédé d’une évaluation des incidences sur l’environnement.
Continue readingEvaluation des incidences sur l’environnement : la Cour constitutionnelle annule le mécanisme d’abrogation de plein droit de certains anciens PCA
Evaluation des incidences sur l’environnement : commentaire de l’arrêt de la Cour constitutionnelle qui annule le mécanisme d’abrogation de plein droit de certains anciens plans communaux d’aménagement prévu par l’article D.II.66 du CoDT.
Continue readingLe PAD: le nouvel outil-clé de l’aménagement du territoire bruxellois
Le PAD, un nouvel instrument au centre de la politique d’aménagement du territoire en Région de Bruxelles-Capitale
Le Plan d’Aménagement Directeur (PAD), nouvel instrument au centre de la dernière réforme du Code Bruxellois de l’Aménagement du Territoire (CoBAT) fait beaucoup parler de lui ces derniers mois.
On peut le comprendre étant donné l’emballement des autorités régionales autour de ce nouvel instrument de planification. A l’heure actuelle, ce sont pas moins de 13 PAD qui sont en cours d’élaboration sur le territoire bruxellois !
Bye-bye les schémas directeurs, bonjour les PAD !
Le PAD est voué à remplacer l’ancien outil des schémas directeurs. Ces schémas avaient pour vocation de déterminer, dans des zones jugées prioritaires par la Région, les principales options à développer et les moyens requis pour les mettre en œuvre pour y parvenir. Ces schémas ne se substituaient pas aux autres plans d’aménagement existants mais s’y ajoutaient afin de déterminer les lignes directrices de l’aménagement du territoire sur des zones trop étendues pour être régies par un PPAS.
Le processus de mise en œuvre des options prioritaires ainsi identifiées était cependant très laborieux. Il fallait, dans un premier temps, identifier les zones d’enjeu prioritaire, appelées zones leviers, dans le cadre de l’adoption ou de modification du Plan Régional de Développement. Ce n’est qu’ensuite que le schéma directeur pouvait être adopté pour identifier les options à développer au sein de ces zones. Enfin, la mise en œuvre de ces options nécessitait encore l’adoption de PPAS par les Communes.
Alors que l’objectif était de permettre d’adapter rapidement des quartiers présentant une importance stratégique pour la Région, le processus d’adoption était à ce point complexe, qu’il en devenait inefficace.
C’est pour répondre à cette faiblesse que la réforme du CoBAT a créé les Plans d’Aménagement Directeur (PAD), à valeur indicative mais pouvant contenir un volet réglementaire. L’objet de ces PAD consiste donc à fixer les grands principes d’aménagement ou de réaménagement du territoire qu’il vise, sans qu’il ne soit nécessaire de passer par l’adoption des schémas directeurs et des PPAS.
Le nouveau maître du jeu de l’aménagement du territoire bruxellois
Les PAD ont, en principe, valeur indicative, ce qui signifie que l’autorité peut s’écarter des options qui y sont définies moyennant motivation.
Toutefois – originalité principale de l’instrument – le Gouvernement peut décider de conférer une valeur obligatoire et réglementaire à des dispositions littérales ou graphiques du PAD.
Lorsque cette force obligatoire est donnée aux dispositions indiquant l’implantation d’une voie de communication, le PAD vaut dispense de permis de lotir pour l’opération de division du terrain réalisée conformément à ces dispositions.
En outre, les dispositions réglementaires du PAD priment sur toutes les dispositions réglementaires d’autres plans et règlements d’urbanisme qui leur sont contraires, dont notamment le PRAS et le RRU ! Dans la zone géographique qu’il couvre, c’est donc le PAD qui règne en maître pour déterminer les prescriptions urbanistiques applicables, pour autant que ses prescriptions se soient vues attribuer une valeur réglementaire.
Pour ce qui est des dispositions à valeur indicative, elles ne peuvent pas s’écarter du PRAS ou du RRU.
Enfin, tout comme pour le PRAS, il n’est pas possible de déroger aux dispositions réglementaires d’un PAD. La violation des dispositions réglementaires des PAD est érigée en infraction, comme c’est le cas de la violation des PPAS et permis de lotir ainsi que, depuis peu, du PRAS.
Quel processus d’élaboration ?
Sans aborder en détail le processus d’élaboration du PAD, on relèvera une originalité dans le processus de participation du public qui se déroule en deux étapes.
Tout commence par une instruction du Ministre-Président de rédiger un projet de PAD. Dès ce moment, le processus d’information et de participation commence avant même que la rédaction du PAD ait commencé. Ce n’est donc qu’après une première phase de consultation du public que la rédaction pourra commencer.
Ensuite, une fois le projet de PAD rédigé et avalisé en première lecture par le Gouvernement, celui-ci est soumis à enquête publique classique.
Par ailleurs, s’agissant d’un plan aménagement du territoire, les PAD sont soumis à la directive 2001/42/CE relative à l’évaluation stratégique environnementale et doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale lors de leur élaboration et avant leur adoption. Nous vous renvoyons à nos récents articles à ce sujet.
Où en est-on dans le processus d’élaboration des PAD ?
Il y a peu, dix premiers PAD ont été initiés simultanément avec des réunions de participation préalable du public qui se sont déroulées presque toutes en même temps, du 4 au 11 juin dernier.
Plus récemment, trois PAD supplémentaires ont été initiés pour les quartiers Heysel, Défense et Maximilen-Vergote. Les réunions de participation préalables du public pour ces trois projets de PAD ont eu lieu le 17 septembre dernier.
Un processus participatif amélioré… vraiment ?
Les PAD des quartiers Hermann-Debroux, Loi, Heyvaert et Josaphat ont été approuvés en première lecture par le Gouvernement et font l’objet d’enquêtes publiques en cours. Celles-ci se clôtureront toutes au début du mois de décembre. L’enquête publique relative au PAD du quartier Midi devrait débuter en février 2020.
Quant au PAD du quartier Loi, il est déjà remis en cause par un avis défavorable de la Commission Royale des Monuments et Sites qui, outre les remarques sur le contenu du PAD, pointe une volonté masquée des autorités de consolider des permis octroyés sur la base d’un RRUZ annulé pour cause d’absence de rapport d’incidences, ce qui, selon la CRMS, « pose une vraie question quant au processus de consultation ».
Le PAD Josaphat est, lui aussi, sur la sellette suite à un avis négatif de la Commune de Schaerbeek. Ici encore, c’est notamment la méthodologie autour de l’élaboration du PAD qui est critiquée. Alors que, comme exposé ci-avant, on envisage un processus de participation du public le plus en amont possible, avant même la rédaction du PAD, la Commune estime que « les jeux sont faits ». Elle constate ainsi que l’étude paysagère n’est arrivée qu’après le début des discussions sur le PAD et, surtout, elle constate que le marché public pour la conception des infrastructures majeures du site est déjà en cours d’élaboration et que le délai de fermeture des offres vient à échéance avant même l’enquête publique sur le PAD.
Au vu du nombre de PAD en élaboration, les associations de protection de l’urbanisme et du territoire urbain ainsi que les riverains soucieux de préserver le bon aménagement de leur territoire ont du pain sur la planche pour appréhender les impacts de ces nouveaux plans et formuler leurs observations en temps utile. Il en va de même des instances consultées simultanément sur un grand nombre de projets de PAD à propos desquels elles ne disposent que d’un délai de 30 jours pour émettre leurs avis. Cela remet sérieusement en cause l’effectivité de ces processus de consultation du public et des organes d’avis.
Photo : jamessensor sur Visualhunt.com / CC BY-NC
Evaluation des incidences sur l’environnement des plans et programmes – Evolutions jurisprudentielles (partie 2)
Cet article constitue le second volet du diptyque consacré à l’obligation d’évaluation environnementale des plans et programmes publics. Le premier volet se penche sur la définition de plans et programmes telle que progressivement élaborée par la jurisprudence de la CJUE.
Le Conseil d’Etat annule un PRU et un RRUZ en raison de l’absence d’évaluation environnementale « plans –programmes »
À la suite des arrêts rendus par la Cour de Justice quant à l’interprétation à réserver à la notion de plans et programmes au sens de la directive 2001/42/CE, le Conseil d’État est amené à se prononcer sur les conséquences qui résultent de l’absence d’évaluation des incidences sur l’environnement préalablement à l’adoption de deux types de plans d’aménagement, à savoir le PRU en Région wallonne et le RRUZ en Région de Bruxelles-Capitale.
Le PRU du centre d’Orp-le-Petit à Orp-Jauche
A l’occasion d’un arrêt n°245.021 du 27 juin 2019, le Conseil d’État est amené à tirer les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice à propos du PRU adopté pour le centre d’Orp-le-Petit à Orp-Jauche. Il y pose plusieurs constats importants.
Tout d’abord, le Conseil d’État relève que, à partir du moment où le PRU est adopté par le Gouvernement wallon et non pas par une autorité locale, il ne peut être fait application de l’exonération dont peuvent bénéficier les petites zones au niveau local, en application de l’article 3, § 3 de la directive 2001/42/CE. Dès lors qu’une telle exonération n’est pas possible, une évaluation des incidences sur l’environnement du PRU reste en toute hypothèse requise.
Evaluation des incidences et… évaluation des incidences
Le Conseil d’État juge également, en se référant à la jurisprudence de la Cour de justice sur le sujet, que le fait que le projet porté par le PRU querellé ait fait l’objet d’une évaluation environnementale au sens de la directive 2011/92/UE sur l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (Directive « projets ») ne dispensait pas l’autorité de l’obligation de procéder à une évaluation au sens de la directive « plans et programmes » avant l’adoption du PRU.
Cependant, conformément à ce qu’a jugé la Cour de Justice dans un arrêt C-295/10 du 22 septembre 2011, le Conseil d’Etat estime qu’il y a lieu de vérifier si l’évaluation des incidences qui avait été réalisée pour se conformer à la Directive « projets » ne permettrait pas de satisfaire en même temps aux exigences de la Directive 2001/42 relative aux plans et programmes.
Le Conseil d’Etat répond à cette question par la négative dans le cas d’espèce. Il estime en effet qu’à défaut d’avoir consulté les instances régionales spécialisées en matière d’environnement avant la mise en œuvre de l’évaluation des incidences environnementales (en l’occurrence, un avis urgent du Conseil wallon de l’environnement pour le développement durable n’avait été sollicité qu’in extremis, après l’étude d’incidences) mais aussi d’avoir recueilli l’avis de ces instances sur le contenu de l’évaluation, les exigences de la directive « plans et programmes » n’avaient pas été respectées.
En conséquence, le Conseil d’Etat annule le PRU en question.
Le RRUZ de la rue de la Loi
Dans son arrêt n°245.528 du 25 septembre 2019, le Conseil d’État réserve un sort similaire au RRUZ adopté par le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale pour le périmètre de la rue de la Loi et ses abords, après avoir constaté qu’il s’agissait, là aussi, d’un plan ou programme qui aurait dû faire l’objet d’une évaluation des incidences adéquate préalablement à son adoption.
On relèvera, à cette occasion, que la Région de Bruxelles-Capitale demandait le maintien des effets du règlement annulé pour le passé mais que le Conseil d’Etat a rejeté cette demande en considérant que l’existence de circonstances exceptionnelles n’était pas établie en l’espèce.
Le Conseil d’Etat prend acte de l’interprétation donnée par la Cour de Justice de la notion de « plans et programmes » au sens de la Directive pour considérer que le PRU et le RRUZ constituent des « plans-programmes » soumis aux exigences de la Directive 2001/42.
L’absence d’une évaluation des incidences environnementales d’un plan ou programme n’aboutira pas forcément au constat d’illégalité de ce plan-programme s’il s’avère qu’il a été procédé, avant l’adoption de l’instrument planologique ou programmatique, à une évaluation des incidences qui répondrait à la fois aux exigences de la Directive 2011/92 « projets » et à celles de la Directive 2001/42 « plans et programmes ».
Pour plus de renseignements sur les évaluations des incidences sur l’environnement des projets ou des plans-programmes, n’hésitez pas à nous contacter.
Evaluation des incidences sur l’environnement des plans et programmes – Evolutions jurisprudentielles (partie 1)
Cet article constitue le premier volet d’un diptyque consacré à l’obligation d’évaluation environnementale des plans et programmes publics. Le second volet se penche sur les conséquences de la jurisprudence de la CJUE au travers de deux arrêts récemment rendus par le Conseil d’Etat au sujet de réglementations wallonne (PRU) et bruxelloise (RRUZ) en matière d’aménagement du territoire.
La notion de plans et programmes
Les plans et programmes publics couverts par la directive 2001/42/CE relative à l’évaluation stratégique environnementale doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale lors de leur élaboration et avant leur adoption. La notion de « plans-programmes » au sens de cette Directive est interprétée de manière large par la Cour de justice de l’Union européenne, soucieuse de garantir l’effet utile de l’obligation instituée par le législateur européen.
Dans son arrêt Inter-Environnement Bruxelles, n°567/10 du 22 mars 2012, la Cour de Justice de l’Union européenne a ainsi précisé qu’une telle obligation s’imposait également à la modification ou à l’abrogation d’un plan ou programme.
Dans un arrêt d’Oultremont n° C-290/15 du 27 octobre 2016, la Cour de Justice a réitéré la nécessité d’une interprétation large à conférer à la notion de « plans-programmes » dans le cadre de la directive 2001/42/CE. Cet arrêt répète des principes déjà énoncés dans la jurisprudence antérieure mais affine la notion de plans-programmes en précisant qu’elle « se rapporte à tout acte qui établit, en définissant des règles et des procédures de contrôle applicables au secteur concerné, un ensemble significatif de critères et de modalités pour l’autorisation et la mise en œuvre d’un ou de plusieurs projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ».
« Un ensemble significatif de critères et de modalités » pour la mise en œuvre de projets
Reste à déterminer ce qu’il y a lieu d’entendre par « ensemble significatif de critères et de modalités« …
En s’appuyant sur l’arrêt de principe d’Oultremont précité, la Cour de justice a également jugé que le Règlement d’urbanisme zoné (RRUZ) institué par le Code Bruxellois de l’Aménagement du Territoire relevait de la notion de « plans et programmes » au sens de la directive (arrêt C‑671/16 du 7 juin 2018, Inter-environnement Bruxelles e.a.). Cet arrêt précise que « la notion « d’ensemble significatif de critères et de modalités’’ doit être entendue de manière qualitative et non pas quantitative. En effet, il y a lieu d’éviter de possibles stratégies de contournement des obligations énoncées par la directive ESIE pouvant se matérialiser par une fragmentation des mesures, réduisant ainsi l’effet utile de cette directive ».
Par un arrêt Thybaut du même jour, la Cour de Justice a également eu l’occasion de se pencher sur le mécanisme wallon de Périmètre de Remembrement Urbain (PRU) et a considéré qu’il peut également être assimilé à un plan-programme au sens de la Directive. Or, l’objet de ce PRU ne contient pas, en tant que tel, des prescriptions positives mais consiste essentiellement à faciliter l’écart aux prescriptions urbanistiques d’application au sein de ce périmètre. La Cour de Justice a néanmoins considéré que, même si le PRU « ne contient pas lui-même des prescriptions positives », il établit un « ensemble significatif de critères et de modalités » dans la mesure où la délimitation du PRU emporte l’acceptation de principe du projet d’urbanisme voué à être implanté en son sein.
L’interprétation de la Cour de Justice sur la notion de plans-programmes peut paraître excessivement large mais elle contient, en réalité, des critères de plus en plus précis pour dresser les contours de cette notion. Cette interprétation large vise à garantir la réalisation efficace des objectifs de la Directive 2001/42.
Encore plus qu’auparavant, les autorités régionales devront se demander, avant l’élaboration de tout plan ou règlement relatif à l’aménagement du territoire et à l’environnement, s’il n’y a pas lieu de le précéder d’une évaluation « plans-programmes ». A défaut et comme on le verra dans la seconde partie de cette analyse, la légalité de cette réglementation pourrait être mise en cause.
Pour plus de renseignements sur les évaluations des incidences sur l’environnement des projets ou des plans-programmes, n’hésitez pas à nous contacter.