Permis d’urbanisme et droits civils de tiers

Plan architectural détaillé de l'agencement d'un bâtiment, marqué de notes manuscrites en rose et en vert pour mettre en valeur le plan et se conformer au permis d'urbanisme. Des lignes de dessin et des étiquettes indiquent les couloirs, les pièces et les entrées.

Puis-je obtenir un permis d’urbanisme pour un bien pour lequel je ne suis pas (encore) titulaire de droits réels ?

Il est classiquement enseigné que les permis d’urbanisme sont délivrés « tous droits civils saufs » : en d’autres termes, l’autorité délivrante n’a pas à se préoccuper des droits civils des tiers (propriété actuelle du bien, servitude, mitoyenneté, etc.) lorsqu’elle délivre un permis.

Ce raisonnement s’explique par le fait que le permis d’urbanisme n’est pas délivré au regard de celui qui le demande mais uniquement au regard du bien sur lequel les actes et travaux seront mis en œuvre .  Ainsi, il arrive fréquemment qu’un propriétaire d’un terrain sollicite un permis d’urbanisme uniquement dans le but de vendre par la suite le terrain et le projet qui a été autorisé par un permis, ce qui augmente la valeur du bien mis en vente.

Une contestation portant sur des droits civils relève de la compétence exclusive des tribunaux de l’ordre judiciaire en vertu de l’article 144 de la Constitution. Classiquement, le Conseil d’État ne s’estimait donc pas compétent pour en connaître lorsqu’il apprécie la légalité d’un permis d’urbanisme.

Prise en compte des droits civils pour apprécier « le bon aménagement des lieux »

Cette position du Conseil d’Etat a cependant connu une évolution. Le Conseil d’Etat juge qu’une contestation de droit civil peut, dans certains cas, constituer un élément à prendre en compte par l’autorité amener à délivrer ou refuser un permis d’urbanisme.

Cela peut ainsi être le cas lorsqu’une problématique de droit civil  est connue de l’administration au moment où elle statue et que son enjeu pourrait compromettre la  mise en œuvre d’un projet conforme au bon aménagement des lieux. A l’inverse, la conformité d’un projet au droit civil ne rend pas automatiquement le projet conforme au bon aménagement des lieux.

Le « bon aménagement des lieux » relève du pouvoir d’appréciation discrétionnaire de l’administration. Une telle appréciation d’opportunité échappe donc au contrôle des juges. Toutefois, si le requérant le demande, le Conseil d’État doit néanmoins vérifier que l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’autorité n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Il pourrait en aller ainsi lorsqu’une autorité a ignoré un litige de droit civil porté à sa connaissance et qui serait de nature à mettre en péril le respect du bon aménagement des lieux ou la capacité du demandeur à mettre en oeuvre le permis sollicité.

Pour approfondir ce sujet, voyez la publication de Me Fabien HANS, Commentaire de l’article D.IV.26, du CoDT in L. VANSNICK, B. GORS (éd), Commentaire article par article du Code de développement territorial (CoDT), Bruxelles, Politeia, 2017-2018.