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Code bruxellois de l’égalité : une belle avancée en matière d’égalité et de non-discrimination

Un pistolet-jouet rose repose sur un fond rose, avec des bonbons colorés en forme de marguerites dispersés autour. Les marguerites sont bleues, roses et jaunes, disposées selon un motif ludique.

Une codification mais pas seulement

Par décret et ordonnance conjoints du 4 avril 2024, le législateur bruxellois a adopté le Code bruxellois de l’égalité, de la non-discrimination et de la promotion de la diversité.

Ce code entrera en vigueur le 16 octobre 2024. Il emporte des évolutions importantes pour les victimes de discrimination.

Son objectif : une plus grande lisibilité

« Le caractère épars des différents textes bruxellois de lutte contre la discrimination porte atteinte à leur compréhension et à la lisibilité de la législation mais surtout fait obstacle à l’efficacité et l’effectivité des protections y consacrées. »

Projet de décret et ordonnance conjoints de la Région de Bruxelles-Capitale, de la Commission communautaire commune et de la Commission communautaire française portant le Code bruxellois de l’égalité, de la non-discrimination et de la promotion de la diversité, Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2023-2024, 9 février 2024, A-834/1, pp. 2 et 3.

Ce code coordonne les différents textes législatifs bruxellois en matière de lutte contre les discriminations. Il intègre une série de nouveautés, principalement issues de la jurisprudence nationale et européenne.

Pour ce faire, il abroge pas moins de 24 décrets et ordonnances ainsi que des dizaines de dispositions éparses. Parmi les textes supprimés figure notamment la totalité du Titre X du Code bruxellois du Logement relatif à la lutte contre la discrimination dans le secteur du logement.

Les évolutions à relever

Des nouveautés en ce qui concerne les critères protégés

  • Le Code instaure un nouveau critère à protéger : les responsabilités familiales et la monoparentalité. Les « responsabilités familiales » désignent la situation d’une personne qui a des responsabilités à l’égard d’enfants à charge ou de proches qui ont besoin d’une forme d’assistance ou de soin de type social, familial ou émotionnel.
  • Il précise davantage le critère du sexe. Il recouvre la grossesse, l’accouchement, l’allaitement, la maternité, l’adoption, la procréation médicalement assistée, la transition médicale ou sociale, l’identité de genre, l’expression de genre, les caractéristiques sexuelles, la paternité, la comaternité, la copaternité et la coparentalité. On n’y parle plus de « changement de sexe » mais de « transition médicale ou sociale ».
  • Il étend le critère relatif à l’origine sociale à l’origine et à la condition sociale.
  • Il complète le critère relatif à l’état de santé pour couvrir l’état de santé passé, actuel ou futur.
  • En outre, peu importe que l’auteur de la discrimination se méprenne et attribue à tort une caractéristique à une personne. Il est dorénavant précisé que les critères peuvent être « réels ou supposés, octroyés en propre ou attribués par association ».

Relevons la décision de ne pas inclure le poids comme critère protégé spécifique. En effet, « selon les situations définies par la jurisprudence, le poids est considéré soit comme une caractéristique physique, soit comme un handicap ».

Un ajout attendu : la notion de discrimination intersectionnelle

Le Code interdit un nouveau type de discrimination : la discrimination intersectionnelle. La discrimination intersectionnelle constitue une seule discrimination, découlant de la violation simultanée de plusieurs critères protégés. Elle se distingue des:

  • discriminations additives : un même comportement constitue deux discriminations distinctes.
  • discriminations successives : plusieurs discriminations se succèdent dans le temps.

Régimes de justification « fermés » et « ouverts »

  • Le régime de justification classique est dit « ouvert ». En d’autres termes, toute distinction fondée sur un critère protégé constitue une discrimination directe, sauf si elle se justifie objectivement par un but légitime et que les moyens pour atteindre ce but s’avèrent appropriés et nécessaires.
  • Le Code prévoit cependant trois régimes de justification dits « fermés ». Dans ces derniers, seuls certains motifs énumérés limitativement peuvent justifier la distinction.

Trois distinctions directes identifiées à l’article 8 du Code bénéficient de ce régime. Les distinctions fondée sur les critères de la prétendue race, la couleur de peau, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique (8, § 2), sur le critère du sexe (8, §3) ou, dans le domaine de l’emploi et des relations de travail, sur les critères de l’orientation sexuelle, de l’âge, du handicap, ou de la conviction religieuse ou philosophique (8, §4).

Extension de la protection contre les représailles

La protection contre les représailles bénéficiait déjà à la personne qui a déposé plainte. Le Code l’étend désormais à toutes les personnes qui interviennent comme conseil, défendeur, témoin ou soutien de la victime ou de la personne à l’origine de la plainte ou du signalement. Les personnes qui interviennent comme lanceurs d’alerte peuvent également en bénéficier.

Trois régimes d’indemnisation distincts et une augmentation des taux

Le Code prévoit trois régimes d’indemnisation distincts :

  • Un régime général. La victime d’un fait de discrimination peut bénéficier d’une indemnisation forfaitaire fixée entre 2.000 et 6.000 euros (ce qui constitue une augmentation substantielle par rapport au régime antérieur). En cas de discrimination multiple, chaque discrimination constatée donne lieu à l’application de cette fourchette.
  • Un régime spécifique à la fonction publique bruxelloise. La victime peut obtenir une indemnisation forfaitaire équivalente à six mois de rémunération brute ;
  • Un régime spécifique au logement. La victime peut obtenir une indemnisation forfaitaire équivalente à six mois de loyer du bien concerné.

Un nouveau type de sanction : la publicité

Le Code formalise la possibilité pour le juge du fond d’ordonner l’affichage de sa décision ou du résumé qu’il en rédige, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des établissements du contrevenant, ou sa publication dans les journaux ou par toute autre manière.

Il est à noter que l’identité de l’auteur de la discrimination peut être mentionnée si cette mention est nécessaire pour prévenir des discriminations futures de la part du même auteur.

La diffusion ne peut pas se faire sur Internet, sauf exceptions précisées à l’article 25, alinéa 2, du Code.

Nouveautés relative à l’action en cessation

Deux nouveautés importantes relative à l’action en cessation :

  • Le juge pourra dorénavant formuler des injonctions positives de nature à empêcher la répétition de la discrimination constatée. Il pourra par exemple prononcer une telle injonction dans un contexte de discrimination systémique.
  • Unia, ou un groupement d’intérêt agissant au nom de la personne qui s’estime victime, pourra désormais demander pour elle l’indemnisation forfaitaire.

Des modes de preuve supplémentaires

Deux nouveaux faits permettent de présumer de l’existence d’une discrimination :

  • La déclaration publique, selon laquelle une personne déclare anticipativement qu’elle traitera plus défavorablement un groupe de personnes, sur la base d’un ou plusieurs critères protégés, dans un contexte donné. Cet ajout fait suite à l’arrêt Feryn du 10 juillet 2018 de la Cour de justice de l’Union européenne.
  • Le refus illégitime de communiquer un document, visé à l’article 882 du Code judiciaire. Cet ajout fait suite à l’arrêt Galina Meister du 19 avril 2012 de la Cour de justice de l’Union européenne.

En outre, désormais, les tests de discrimination peuvent être réalisés non seulement par les services d’inspection régionaux mais également par la victime elle-même, par toute personne agissant à sa demande, par Unia, l’Institut ou les groupement d’intérêts.

Des plans d’action concrets à mettre en œuvre

D’après le Code, chacun des prochains gouvernements doit réaliser un ou plusieurs plans d’action.

Ces plans impliquent l’ensemble des compétences régionales et doivent comprendre des mesures concrètes visant à réaliser l’égalité des chances dans la société bruxelloise. Ils concernent uniquement les inégalités fondées sur le sexe et le genre, l’origine et la situation sociales, l’orientation sexuelle, l’identité et l’expression de genre, les critères dits raciaux et le handicap.

Conclusions

Cette codification emporte une série d’évolutions importantes. Extension du champ d’application du régime des discriminations, consécration de la discrimination intersectionnelle, évolution en matière de mode de preuve, renforcement du rôle actif attribué à Unia … L’application de ces évolutions ne manquera pas de susciter des débats dans les prochaines années.

Pour toute question que vous pourriez avoir à propos du régime de discrimination en Région de Bruxelles-Capitale, n’hésitez pas à contacter Cambier Avocat.