La Cour de cassation précise l’obligation de motivation en matière fiscale
La justification d’une différence de traitement engendrée par un règlement-taxe peut ressortir de la nature de la taxe elle-même quand cela relève de l’évidence.
Une différence de traitement en matière fiscale doit être justifiée
Les principes d’égalité et de non-discrimination impliquent que tous ceux qui se trouvent dans la même situation soient traités de la même manière. Une disposition fiscale peut toutefois opérer une différence de traitement entre deux catégories de contribuables, à la condition que cette distinction soit susceptible d’une justification objective et raisonnable en rapport avec le but poursuivi.
Mais où et à quel moment cette justification doit-elle apparaitre ?
Dans un arrêt du 29 février 2024, la Cour de cassation clarifie l’obligation de motivation en matière fiscale.
Elle juge que la justification objective et raisonnable de la différence de traitement peut ressortir du règlement-taxe lui-même et du dossier administratif ayant mené à son adoption. Mais elle peut aussi être déduite de la nature et du contexte de la différence de traitement elle-même.
L’arrêt du 29 février 2024 s’inscrit dans le courant de jurisprudence initié par la chambre néerlandophone de la Cour de cassation avec un arrêt du 3 septembre 2015. Ce dernier marquait une évolution importante : il autorise le juge à ne pas se limiter au seul préambule du règlement-taxe et à son dossier administratif pour trouver l’existence d’une justification, mais à la déduire de la nature même de la différence de traitement exercée ou du contexte du règlement-taxe.
La Commune ou la Province n’a donc pas toujours l’obligation de justifier dans le préambule de la taxe ou dans les documents préparatoires les raisons pour laquelle elle décide de taxer un type d’activités plutôt qu’un autre.
Toutefois, dans son arrêt du 29 février 2024, la Cour de cassation pose une balise importante.
Une balise importante : la force de l’évidence
L’autorité peut s’exonérer de motiver une différence de traitement induite par une taxe si et seulement si sa justification déduite de la nature même de la différence de traitement ou livrée par le contexte du règlement-taxe relève de l’évidence. En d’autres termes, cette justification doit être si évidente qu’aucune autre interprétation plausible n’est possible, démontrant ainsi que l’administration a approuvé la différence de traitement en se basant sur ce seul motif.
Mais quelle évidence ?
L’affaire portée devant la Cour de cassation concerne un règlement-taxe sur les mâts et pylônes situés en plein air et visibles depuis la voie publique. Ce règlement exonère les éoliennes ou d’autres formes d’énergie verte.
Devant la Cour d’appel, l’administration justifie cette exonération par la volonté de favoriser la production d’énergie verte dans le cadre de la transition énergétique nécessaire à la lutte contre le réchauffement climatique.
Cependant, cette justification ne ressort ni du règlement-taxe ni du dossier administratif.
Néanmoins, le juge d’appel constate que la justification avancée découle de la nature même de la différence de traitement et est étayée par le contexte du règlement-taxe. Il juge que cette justification est la seule ayant pu conduire l’administration à approuver une telle différence de traitement. Il estime dès lors que la différence de traitement fait l’objet d’une justification objective et raisonnable et que le règlement est conforme aux principes d’égalité et de non-discrimination.
Par son arrêt du 29 février 2024, la Cour de cassation valide le raisonnement tenu par le juge d’appel.
Pour toute question en matière de fiscalité locale, vous pouvez prendre contact avec Alexandre Paternostre.