Le C.E. suspend à nouveau les licences d’exportations
Le 5 mars 2021, le Conseil d’Etat a, une nouvelle fois, suspendu l’exécution de décisions prises par le Ministre-président de la Région wallonne de délivrer à la FN HERSTAL des licences d’exportation d’armes vers le Royaume d’Arabie Saoudite.
Cet arrêt s’inscrit dans la lignée de l’arrêt n° 248.128 du 7 août 2020 par lequel le Conseil d’Etat avait déjà suspendu ces licences[1].
Ce qui pose naturellement question, c’est le risque que ce matériel serve à une répression interne ou à commettre de graves violations des droits de l’Homme, avec en toile de fond la situation au Yémen.
C’est sur ce risque que le Conseil d’Etat s’appuie pour suspendre ces licences jugeant que les décisions ne permettent pas de démontrer « l’absence de risque manifeste que la technologie ou les équipements militaires dont l’exportation est envisagée servent à la répression interne ou à commettre des violations graves du droit humanitaire international, compte tenu de la prudence toute particulière imposée en ce qui concerne la délivrance de licences à des pays où de graves violations des droits de l’homme ont été constatées par les organismes compétents des Nations Unies, par l’Union européenne ou par le Conseil de l’Europe ».
Le récent rapport des experts de l’ONU qui visent la vente d’armes à des parties au conflit yéménite
Cet arrêt permet aussi de mettre en évidence le rapport du groupe d’experts de l’ONU sur la situation au Yemen qui a été publié le 9 septembre 2020 et qui vise plusieurs Etats pour leur participation à la perpétuation du conflit au Yémen, notamment par le transfert d’armes vers des parties au conflit.
La Belgique ne fait pas partie des Etats visés. Dans ce contexte, l’arrêt du Conseil d’Etat paraît salutaire et permet peut-être d’éviter que la Belgique – et plus exactement la Région wallonne – ne soit à l’avenir ainsi pointée du doigt pour une participation au conflit yéménite.
Un contrôle effectif, précis et minutieux opéré par le C.E., même en extrême urgence
Cet arrêt permet aussi de mettre en lumière le contrôle que le Conseil d’Etat a exercé alors qu’il est saisi d’un recours en suspension d’extrême urgence. Dans le cadre de cette procédure, les délais dont dispose le Conseil d’Etat pour statuer sont courts et l’article 17, §1er, al. 2, 2°, des LCCE prévoit un examen prima facie des moyens.
En l’occurrence, le Conseil d’Etat a mené un examen très précis et approfondi de la situation en fait et en droit, avant de prononcer la suspension alors même que la Commission d’avis sur les licences d’exportation d’armes avait rendu un avis favorable. Le Conseil d’Etat ne s’est pas limité à cet avis, soulignant la nécessité d’une prudence toute particulière compte tenu des risques en présence.
Quelles seront les suites ?
A présent, on s’interroge forcément sur les suites que le Gouvernement wallon réservera à cet arrêt.
A ce sujet, il ne faut pas perdre de vue que la Région wallonne doit se prononcer sur l’octroi de licences à la FN HERSTAL, entièrement détenue par la Région wallonne elle-même.
Cette confusion est-elle compatible avec l’obligation d’apparence d’impartialité qui s’impose à toute autorité ? Il faut en effet rappeler qu’en matière d’impartialité ce sont avant tout les apparences qui comptent puisque toute autorité administratives doit offrir les garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à son impartialité[2]. Le doute devrait donc suffire …
Quoiqu’il en soit, à présent, c’est au Gouvernement wallon qu’il revient de prendre une nouvelle position sur ce dossier.
[1] Notez que le 7 août 2020, par un arrêt n° 248.129 le Conseil d’Etat a estimé que les décisions d’octroi de licences d’exportation d’armes vers ou à destination finale du Royaume d’Arabie saoudite de matériel de catégorie ML 6 à la S.A. CMI Defence étaient quant à elles adéquatement motivées.
[2] Voy. not. CEDH, 1er octobre 1982, Piersack c/ Belgique