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Les assurés ont le libre choix de leur avocat, même en médiation

Deux mains se serrant sur fond de ciel bleu nuageux, symbolisant un accord, un partenariat ou une amitié.

Au sein du cabinet CAMBIER, nous sommes persuadés que, dans bien des cas, la médiation  offre des avantages par rapport à des procédures judiciaires souvent longues et coûteuses. C’est pourquoi, Benoît CAMBIER, Fabien HANS, Dieu-Hanh NGUYEN et Alicia GRAFE sont tous médiateurs agréés tandis que Noémie CAMBIER est en cours de formation pour le devenir.

Nous pensons également que l’avocat formé à la médiation est un atout pour assister une partie dans ce processus particulier et que son expertise en médiation, combinée à sa pratique d’avocat contribueront à faciliter l’ensemble du processus.

Manifestement, tel n’était pas l’avis du législateur qui a adopté la loi sur les assurances pour garantir à l’assuré le libre choix de son conseil dans toutes les procédures judiciaires et administratives et dans l’arbitrage mais en excluant la médiation. 

Saisies d’un recours à ce sujet, la Cour constitutionnelle et la Cour européenne de Justice ont donné tort au législateur en confirmant

  • le rôle-clé des avocats lors de médiations judiciaires ou extra-judiciaires
  • et la nécessité d’offrir à un assuré la même garantie de liberté de choix de conseil en médiation que dans le cadre des procédures judiciaire et de l’arbitrage.

Qu’est-ce que la médiation ?

« La médiation est sans doute le plus connu des modes alternatifs de résolution des conflits, qui ont le vent en poupe. Il s’agit d’une une méthode volontaire et confidentielle qui, grâce à l’intervention d’une tierce personne neutre, permet d’aboutir à la résolution d’un litige.

La médiation est un processus confidentiel et structuré de concertation volontaire entre parties en conflit qui se déroule avec le concours d’un tiers indépendant, neutre et impartial qui facilite la communication et tente de conduire les parties à élaborer elles-mêmes une solution ».

Article 1723/1 du Code judiciaire

Elle est volontaire, ce qui implique que chacune des parties peut à̀ tout moment mettre fin à̀ la médiation, sans que cela puisse lui porter préjudice.

La médiation est organisée dans la septième partie du Code judiciaire.  Ces dispositions énoncent les conditions auxquelles doivent satisfaire le médiateur et le processus de médiation pour que l’accord qui serait conclu bénéficie des avantages prévus par la loi. La première de ces conditions est que le médiateur qui intervient comme tiers soit agréé par la Commission fédérale de médiation. 

L’assistance d’un avocat au cours d’une médiation: inutile et contre-productif ?

Les ordres des barreaux néerlandophone, francophone et germanophone ont décidé d’introduire un recours contre une disposition d’une loi du 9 avril 2017. Cette loi est venue modifier la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances en vue de garantir le libre choix d’un avocat à l’assuré.

La disposition critiquée présentait deux aspects :

  • L’assuré qui conclut un contrat d’assurance protection juridique doit se voir garantir la liberté de choix du conseil qui le défendra (avocat ou personne habilitée pour assurer la défense) dans le cadre d’une procédure judiciaire ou administrative ou encore dans le cadre d’un arbitrage ;
  • Dans le cadre d’une médiation ou de tout autre mode extrajudiciaire reconnu de règlement des conflits, la liberté de choix de la personne qui mènera la procédure en question (arbitre, médiateur, …) mais pas celle du conseil de l’assuré.

La Cour constitutionnelle était amenée à déterminer si le fait d’étendre la liberté de choix d’un conseil à la procédure d’arbitrage mais pas à la procédure de médiation est discriminatoire et/ou contraire au droit européen.   

Pour justifier sa position, le législateur semblait estimer que l’intervention d’un conseil (avocat) aux côtés des parties dans le cadre de la médiation n’était pas utile au processus et serait même contre-productive !

« La présence d’un avocat n’est pas de nature à favoriser la médiation ».

« L’accord obtenu [dans le cadre d’une médiation] n’est pas nécessairement le produit d’un raisonnement juridique.  Il n’est donc pas nécessaire d’être assisté en droit de la même façon que dans la procédure judiciaire, administrative ou arbitrale ».

Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-0192/006, pp. 4 et 6.

Face à ce litige qui touche à des questions régies par le droit de l’Union européenne, la Cour constitutionnelle décide d’interroger la Cour de Justice de l’Union européenne.

Libre choix de l’assuré : une obligation européenne

Au niveau du droit communautaire, c’est la Directive 2009/138/CE qui traite de l’accès et de l’exercice des activités d’assurance et de réassurance.  Son article 201 consacre l’obligation de garantir à l’assurer la liberté de choisir l’avocat ou le conseil qui assistera l’assuré dans le cadre d’une procédure judiciaire ou administrative.

La Cour constitutionnelle demande donc à la Cour de Justice si la notion de procédure judiciaire doit également s’étendre à la médiation judiciaire, voire même extrajudiciaire.

La Cour de Justice répond à la question par un arrêt du 14 mai 2020

La médiation judiciaire est une procédure judiciaire….

La Cour estime que la médiation judiciaire doit être couverte par la notion de procédure judiciaire, dès lors que :

« Cette médiation est nécessairement ordonnée par un juge saisi d’un recours juridictionnel et qu’elle représente une phase de la procédure judiciaire engagée devant une juridiction proprement dite, laquelle est, en principe, liée par l’accord de médiation éventuellement obtenu par les parties ».

CJUE, arrêt du 14 mai 2020 (aff. C.-667/18), § 32

… et la médiation extrajudiciaire aussi !

La Cour européenne va cependant encore plus loin en étendant la notion de procédure judiciaire  aux médiations extrajudiciaires :

« En effet, une telle procédure de médiation est susceptible d’aboutir à un accord entre les parties concernées pouvant, à la demande même d’une seule d’entre elles, entre homologué par une juridiction. En outre, dans le cadre de la procédure d’homologation, cette juridiction est tenue par le contenu de cet accord tel que défini par les parties lors de la médiation, en dehors des hypothèses dans lesquelles celui-ci est contraire à̀ l’ordre public ou, le cas échéant, à l’intérêt des enfants mineurs.

Il s’ensuit que l’accord auquel les parties parviennent, qu’il résulte d’une médiation judiciaire ou extrajudiciaire, a pour conséquence de lier la juridiction compétente qui procède à son homologation et présente, après avoir acquis force exécutoire, les mêmes effets qu’un jugement».

CJUE, arrêt du 14 mai 2020 (aff. C.-667/18), § 36

L’importance du rôle de l’avocat

Enfin, la Cour de justice balaye le raisonnement du législateur sur l’inutilité, voire la contre-productivité de la présence de l’avocat aux côtés de son client lors d’une médiation :

« Le rôle de l’avocat ou du représentant semble même être plus important dans le cadre d’une médiation que dans celui d’une réclamation introduite devant une autorité́ administrative (…) dont l’issue ne lie ni une éventuelle instance administrative ultérieure ni une juridiction administrative ».

CJUE, arrêt du 14 mai 2020 (aff. C.-667/18), § 37

Retour à la Cour constitutionnelle

Dans son arrêt n° 138/2020, la Cour constitutionnelle tire les enseignements de la Cour de Justice de l’Union européenne pour constater que la notion de procédure judiciaire au sens de l’article 201 de la Directive 2009/138/CE doit s’étendre aux médiations judiciaires et extra-judiciaires. Elle en déduit qu’il serait discriminatoire d’exclure la médiation de la garantie du libre choix d’un conseil alors que cette garantie est offerte pour l’arbitrage et pour les procédures juridictionnelles.

Médiation et procédures judiciaires : du pareil au même ?

Peut-on désormais considérer que la médiation (judiciaire et extra-judiciaire) est l’égal des procédures judiciaires ? 

Pourrait-on à l’avenir en tirer comme conséquence l’application de principes généraux et de garanties qui s’appliqueraient dans le cadre des procédures judiciaires ?

Ne perdons pas de vue que l’arrêt commenté a été prononcé dans un cadre très spécifique, à savoir la consécration du libre choix de l’avocat de l’assuré ayant contracté une assurance protection juridique.

La médiation et les procédures judiciaires sont des processus très différents qui ont chacun leurs avantages et inconvénients selon les situations.  Toute partie impliquée dans un litige devra préalablement discuter avec son avocat sur le choix de la meilleure stratégie et envisager, dès les premiers contacts, l’hypothèse de la médiation comme mode de résolution du conflit.

Cet arrêt peut donc être vu comme un élément de plus mettant en évidence les atouts de la médiation et la plus-value du rôle des avocats pour assister leurs clients dans le cadre de ce processus.