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Obligation de contrôler la « faisabilité » des délais

Une personne pousse avec précaution un diable chargé de cartons le long d'un trottoir, démontrant ainsi un contrôle minutieux de la faisabilité des délais. La scène se déroule sur fond d'un mur de briques rouges éclatantes.

Par un arrêt du n°260.555 du 30 août 2024, le Conseil d’État a suspendu l’attribution d’un marché public de fournitures lancé par BPOST selon la procédure négociée sans mise en concurrence préalable. Le motif ? BPOST n’avait pas suffisamment contrôlé la faisabilité des délais de livraison proposés à l’attributaire.

Une simple demande de confirmation ne suffit pas

Pour ce marché, BPOST avait fixé deux critères d’attribution : le prix (80%) et le délai de livraison (20%). 

S’agissant du délai de livraison, le cahier spécial des charges prévoyait un délai maximum de 18 semaines et une grille de cotation des délais, allant de 3 semaines à 18 semaines. Il précisait également que le non-respect du délai de livraison entrainerait des amendes et pénalités et même que BPOST pourrait procéder à la commande auprès d’un autre fournisseur. On peut donc en déduire implicitement que le délai ne pouvait pas être inférieur à 3 semaines.

L’attributaire a proposé des délais de livraison de 3 semaines, soit le délai minimal. Le requérant au Conseil d’État, classé deuxième, a proposé des délais de 18 semaines, soit le délai maximal.

Il critique cette décision, estimant que BPOST n’a pas procédé à un examen du caractère réaliste du délai de livraison proposé par l’attributaire. BPOST prétend avoir expressément demandé à ce dernier s’il était en mesure de respecter ces délais, ce qu’il a confirmé sans réserve.

Dans son arrêt, le Conseil d’État juge qu’une vérification effective du caractère réaliste du délai de livraison proposé s’imposait et qu’elle impliquait que BPOST ne se limite pas à demander une confirmation du délai. Il fallait également inviter le soumissionnaire à fournir des justifications concrètes puis procéder à une vérification effective de ces justifications.

Le Conseil d’État juge aussi que la motivation de la décision devait rendre compte du fait que BPOST avait interrogé l’attributaire sur cet aspect de son offre.

Obligation de contrôler les délais ET d’en rendre compte dans la motivation

Cet arrêt s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence bien établie au sujet de la vérification des délais d’exécution proposés par les soumissionnaires : lorsque le délai d’exécution constitue un critère d’attribution, le pouvoir adjudicateur doit impérativement procéder à une vérification de la faisabilité des délais offerts (C.E., n°252.751 du 25 janvier 2022 ; C.E., n°233.108 du 31 décembre 2015).

Le seul engagement du soumissionnaire à respecter les délais qu’il propose et les sanctions imposées en cas de non-respect des délais en cours d’exécution ne suffisent pas. Il s’agit, au stade de l’examen de la régularité de l’offre, de s’assurer que l’engagement est réaliste et susceptible d’être respecté.

Un parallèle peut être établi entre la vérification de la faisabilité des délais et le contrôle de la normalité des prix prévu et organisé dans la réglementation. La rigueur exigée pour le contrôle de la normalité des prix peut donc également s’appliquer à la faisabilité des délais.

Des balises tirées du contrôle des prix

Au même titre que pour le contrôle des prix, le pouvoir adjudicateur doit avoir à l’esprit les balises suivantes :

  • Le pouvoir a toujours l’obligation de procéder au contrôle des délais offerts, à tout le moins lorsqu’il en fait un critère d’attribution. Cette vérification doit être effective et s’appuyer sur des éléments objectifs. 
  • La motivation formelle de la décision d’attribution doit faire apparaître que cette vérification a eu lieu, ce qui peut être relativement court lorsqu’il n’y a rien eu de particulier à relever à ce sujet. 
  • Ce contrôle n’implique pas nécessairement d’inviter le soumissionnaire à se justifier. Si le pouvoir adjudicateur estime que les délais sont normaux et justifiés, il peut se contenter de sa propre appréciation et n’est pas contraint d’inviter le soumissionnaire à se justifier.
  • C’est lorsqu’il estime qu’il existe une anormalité et qu’il envisage d’écarter l’offre que le pouvoir adjudicateur doit interroger le soumissionnaire en question. Il lui faudra alors, dans ce cas, procéder à une analyse effective des justifications et en rendre compte dans la décision motivée d’attribution.

Conclusions

De manière générale, lorsque le délai d’exécution constitue un critère d’attribution, il convient d’imposer aux soumissionnaires de fournir un planning d’exécution détaillé dans leur offre. Un tel procédé permet de contrôler la faisabilité du délai au stade de l’attribution et ensuite de son bon respect en cours d’exécution. Pour les marchés de travaux et de manière plus large pour les marchés plus complexes, ce planning peut aussi permettre de fixer des délais intermédiaires contraignants également soumis à des amendes et/ou pénalités.  

En cas de question relative à la régularités des délais ou des prix, n’hésitez pas à nous contacter.