Le CoDT n’est pas un plan-programme
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) consacre une interprétation très large de la notion de plan-programme soumis à une évaluation des incidences préalable, au sens de la directive 2001/42/CE relative à l’évaluation stratégique environnementale.
Ce faisant, on a pu se demander si certaines dispositions des articles du Code du Développement territorial (CoDT) qui emportent par exemple le déclassement de certains outils d’aménagement du territoire de valeur règlementaire (plan communal d’aménagement du sol, règlement communal d’urbanisme, etc.) en outils à valeur indicative ne constituaient pas, d’eux mêmes, des plans-programmes. En effet, une telle dégradation entraine aussi une diminution des garanties qui découlent de ces outils
Si tel était le cas, ils auraient du être précédés d’une évaluation des incidences sur l’environnement au sens de la Directive 2001/42/CE. .
La Cour Constitutionnelle juge que le le CoDT ne relève pas de la directive plan-programme
La Cour constitutionnelle a répondu par la négative à cette question à l’occasion d’un arrêt n°33/2019 du 28 février 2019 portant sur un recours en annulation à l’encontre des articles D.II.28, alinéa 2, D.II.36, § 2, alinéa 2, D.II.37, § 1er, alinéa 6 et D.IV.11 du CoDT.
La Cour juge que, même si le champ d’application de la Directive 2001/42 doit être interprété de manière large, « ni la réglementation, ni la législation en tant que telles n’entrent dans son champ d’application »:
Considérer que le CoDT ou certaines de ses parties relèvent du champ d’application de la directive reviendrait à dire que toutes les législations et toutes les réglementations susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement doivent être soumises à une évaluation environnementale conformément à la directive.
Cour Constitutionnelle, considérant B.21.3 de l’arrêt n°33/2019 du 28 février 2019 .
Selon la cour, cela n’aurait jamais été l’intention du législateur européen.
Cette conclusion nous parait logique si l’on se réfère aux critères dégagés par la jurisprudence pour identifier un plan programme (arrêt d’Oultremont n°C-290/15 du 27 octobre 2016, pt. 50). En effet, les dispositions du CoDT :
- ne définissent pas, pour une zone géographique, le cadre dans lequel des projets pourront être autorisés à l’avenir.
- ne précisent pas non plus les conditions applicables à un secteur donné d’activité.
Le Conseil d’État confirme que le CoDT n’est pas un plan-programme
Dans une requête en annulation portant sur une décision de refus de permis, la requérante soutenait également que le CoDT était un plan-programme, et qu’il aurait donc aurait dû faire l’objet d’une évaluation des incidences sur l’environnement (arrêt n°252.924 du 8 février 2022).
LES Arguments soulevés par la partie requérante
Selon la requérante, le CoDT est un acte qui :
- établit un ensemble significatif de critères et de modalités pour l’autorisation et la mise en œuvre d’un ou de plusieurs projets, conformément à la jurisprudence européenne.
- est adopté par un parlement régional et serait exigé par une norme législative
- concerne le secteur de l’aménagement du territoire
- constitue le cadre de projets repris à l’annexe I et à l’annexe II de la directive « projets ».
Elle ajoute que le CoDT ne constituerait pas une « modification mineure » et ne concernerait pas qu’une « petite zone au niveau local ».
Bref, selon elle, son adoption aurait dû être précédée d’une évaluation des incidences environnementales pour respecter la directive 2001/42/CE.
L’arrêt du Conseil d’Etat : pas d’étude d’incidences pour le cODT
Le Conseil d’État n’est toutefois pas de cet avis :
La Cour constitutionnelle a jugé que ces dispositions ne peuvent pas être considérées comme des plans ou programmes relevant du champ d’application de la directive 2001/42/CE du parlement européen et du conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, essentiellement au motif que ni la réglementation ni la législation en tant que telles, de portée générale, n’entrent dans son champ d’application.
Ces enseignements jurisprudentiels sont d’application générale aux dispositions du CoDT, non pas uniquement à celles visées par le recours en annulation ayant donné lieu à l’arrêt n° 33/2019 précité ».
Conseil d’Etat, arrêt n°252.924 du 8 février 2022.
À l’occasion de cet arrêt, le Conseil d’État prend donc une position claire et sans appel : le CoDT et chacune des dispositions qu’il contient ne devaient pas être précédés d’une évaluation des incidences sur l’environnement.
Les stratégies de contournement ne sont toutefois pas autorisées
La Cour de justice a notamment jugé, dans son arrêt Thybaut, qu’« il y a lieu d’éviter de possibles stratégies de contournement des obligations énoncées par la directive ESIE pouvant se matérialiser par une fragmentation des mesures, réduisant ainsi l’effet utile de cette directive » (arrêt Thybaut, C-160/17, pt. 55).
Elle y juge ainsi que l’adoption d’un mécanisme – le Périmètre de Remembrement Urbain (PRU) – emportant la faculté d’obtenir plus aisément des dérogations aux prescriptions urbanistiques en vigueur modifie l’ordonnancement juridique et relève dès lors du champ d’application de la Directive 2001/42/CE.
Dans le CoDT, certaines dispositions instaurent des mécanismes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement au sens de la jurisprudence de la CJUE sans pour autant prévoir une évaluation des incidences préalable.
Tel est notamment le cas de l’article D.II.66 du CoDT (lu en combinaison avec l’article D.II.5. du CoDT) qui prévoit notamment, l’abrogation implicite de tous des plans communaux d’aménagement PCA (PCA), devenus devenus des Schémas d’orientation du sol à valeur indicative dans le CoDT (SOL), non explicitement abrogés dix-huit ans après l’entrée en vigueur du CoDT.
Comme nous avons pu voir dans cet article, la Cour constitutionnelle a invalidé ce mécanisme parce qu’il avait pour effet d’exempter automatiquement certains plans de l’obligation d’étude d’incidence environnementale préalable.
L’instauration d’un tel mécanisme s’apparente dès lors à une stratégie de contournement de la Directive 2001/42 au sens de la jurisprudence de la Cour de justice (arrêt Thybaut, C-160/17, pt. 55).
Conclusion
La Cour constitutionnelle et le Conseil d’État jugent de concert que l’adoption d’une réglementation de portée générale, tel le CoDT, n’entre pas dans le champ d’application de la directive 2001/42/CE et, par conséquent, que son adoption ne doit pas être précédée d’une évaluation des incidences au sens de cette directive.
Cependant, si une disposition du CoDT dispense à tort l’adoption, la modification ou l’abrogation d’un outil planologique ou réglementaire d’une évaluation des incidences requise par la directive 2001/42/CE, elle pourrait être invalidée par la Cour constitutionnelle interrogée à l’occasion d’une question préjudicielle.
Vous avez une question concernant les évaluations des incidences sur l’environnement des projets ou des plans-programmes ou en matière de droit de l’environnement au sens large ?
N’hésitez pas à contacter Me Alexandre PATERNOSTRE ou Me Fabien HANS.