Plusieurs arrêts récents du Conseil d’Etat permettent de faire le point sur la faculté, pour le pouvoir adjudicateur, de renoncer à attribuer un contrat en cours de procédure d’attribution, ainsi que sur la faculté de retirer une décision d’attribution après sa notification au candidat retenu .
Dans cet article, nous nous penchons sur le cas où le pouvoir adjudicateur renonce à attribuer un marché en cours de procédure. Le scénario où le pouvoir adjudicateur décide de changer son fusil d’épaule après avoir attribué un contrat est abordé par ici .
La décision de ne pas attribuer le marché en cours de procédure
Un pouvoir adjudicateur n’a jamais l’obligation de mener à son terme une procédure d’attribution d’un contrat qu’il a initiée. Il peut toujours renoncer à attribuer le marché, à tous les stades de la procédure d’attribution.
Il s’agit de l’expression de la loi du changement qui constitue un principe de base de l’action administrative. Cette faculté est d’ailleurs consacrée expressément tant dans la loi du 17 juin 2016 « relative aux marchés publics » (article 85), que dans la loi du 17 juin 2016 « relative aux concessions » (article 56).
Une décision qui doit être motivée au fond et en la forme
Dans son arrêt n°251.280 du 16 juillet 2021, le Conseil d’Etat relève qu’une telle décision « relève du pouvoir discrétionnaire de l’adjudicateur qui fait ce choix en opportunité ».
Si sa décision doit reposer sur des motifs exacts, pertinents et admissibles, repris dans une motivation formelle (n°251.280 du 16 juillet 2021), les raisons d’intérêt général susceptibles d’être invoquées pour la justifier sont légion : de potentiels problèmes de légalité de la procédure d’attribution, l’évolution de ses besoins, le timing, la réception d’une seule ou d’un nombre trop limité d’offres, la réception d’offres pas suffisamment performantes du point de vue technique ou avantageuses du point de vue économique, des risques élevés de contestations, … .
Le Conseil d’Etat relève également que le pouvoir adjudicateur peut s’appuyer sur une pluralité de motifs, ce qui rend sa décision plus difficilement critiquable (n°250.927 du 17 juin 2021).
Une décision qui est susceptible de recours
La décision de renoncer à attribuer un marché est susceptible de faire l’objet d’un recours sur la base de la loi « recours » du 17 juin 2013 de la part du ou des candidat(s) soumissionnaire(s) dans la mesure où elle leur cause grief. En effet, en raison de cette décision, le ou les candidats aux contrats se voient privés d’une chance (plus ou moins grande) de se voir attribuer le contrat (C.E., n°250.927 du 17 juin 2021).
L’opportunité d’un recours contre ce type de décision n’est pas évidente
L’opportunité d’introduire un tel recours se mesurera au cas par cas mais elle est souvent limitée pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, compte tenu du large pouvoir discrétionnaire qui est reconnu au pouvoir adjudicateur en la matière, le contrôle du Conseil d’Etat ou du juge judicaire sera forcément marginal : il se limitera essentiellement à vérifier l’absence d’erreur manifeste d’appréciation.
En outre, même si le recours devait aboutir, par exemple parce que la motivation de la décision de renonciation n’était pas régulière, rien ne garantit que le pouvoir adjudicateur ne pourra pas prendre une nouvelle décision de renoncer à l’attribution du marché, mieux motivée.
Enfin, il existe de grandes chances que le pouvoir adjudicateur relance la procédure à laquelle il a renoncé. Dans un tel cas de figure, le soumissionnaire qui aura attaqué la décision de renoncer à la première procédure pourrait voir sa position déforcée lors de la seconde mise en concurrence, en particulier si un ou plusieurs critères d’attribution laisse une marge d’appréciation au pouvoir adjudicateur.
Pour plus de renseignements sur les recours en matière de marchés publics ou sur le retrait des actes administratifs, vous pouvez contacter Alexandre PATERNOSTRE ou Thomas CAMBIER.