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Interdiction des suppléments d’honoraires pour les patients BIM validée par la Cour constitutionnelle

L’interdiction de suppléments d’honoraires

Le 29 novembre 2022, le Parlement a promulgué une loi portant diverses dispositions en matière de santé qui interdit aux dispensateurs de soins d’appliquer des suppléments d’honoraires pour les soins ambulatoires prodigués aux patients bénéficiant de l’intervention majorée de l’INAMI. Il s’agit des patients communément appelés les « BIM » pour Bénéficiaires de l’Intervention Majorée). L’objectif de cette disposition consiste à garantir l’accessibilité des soins de santé pour les patients les plus vulnérables financièrement.

En clair, un prestataire de soins (médecin généraliste ou spécialiste, dentiste, …) qui traite un patient « BIM » pour des soins ambulatoires devra toujours lui appliquer les « tarifs INAMI », peu importe de son statut de conventionné ou non. Cette mesure affecte donc uniquement les dispensateurs de soins « non conventionnés ». En effet, ceux qui ont souscrit aux accords médico-mutualistes ont déjà l’obligation d’appliquer les tarifs INAMI à tous leurs patients.

En outre, cette mesure s’applique uniquement aux soins ambulatoires. Elle exclut, dès lors, les honoraires médicaux pour les soins prodigués dans le cadre d’une hospitalisation. Notons qu’il existe également une interdiction de facturation de suppléments d’honoraires pour les soins hospitaliers en chambre double ou en chambre commune. Cette dernière interdiction avait donné lieu à un contentieux devant la Cour constitutionnelle auquel le cabinet Cambier avait participé (cf. arrêt n° 107/2014).

L’analyse de la Cour constitutionnelle

L’ABSYM, la Chambre de Médecine Dentaire et des prestataires de soins ont introduits plusieurs recours en annulation contre les dispositions susvisées. Ces recours ont conduit à un arrêt du 11 avril 2024 qui les rejette.

Les requérants critiquaient d’abord le fait qu’ils se voient appliquer le régime des prestataires conventionnés alors même qu’ils ont fait le choix de ne pas souscrire à ce statut. Selon eux, cela conduit à une discrimination dans la mesure où le régime traite de la même manière des situations différentes, sans que cela soit proportionné à l’objectif poursuivi.

La Cour juge que l’interdiction de suppléments poursuit un objectif légitime: garantir l’accessibilité des soins de santé en réduisant les coûts pour les personnes les plus fragiles financièrement. Elle estime qu’il n’y a pas une identité de traitement avec les prestataires conventionnés puisqu’il reste possible aux non-conventionnés de pratiquer des suppléments d’honoraires aux autres patients « non BIM ». La Cour admet que « tous les dispensateurs de soins non conventionnés ne seront pas en mesure de compenser aussi aisément les effets financiers des mesures attaquées« . Mais, reprenant sa formule habituelle, elle explique qu’ « il ne peut être attendu du législateur qu’il tienne compte des particularités de chaque catégorie distincte de dispensateurs de soins; il peut appréhender leur diversité de manière approximative et simplificatrice« .

Les requérants invoquaient également l’atteinte à la liberté thérapeutique ainsi que le droit à des soins de qualité pour les patients concernés. La Cour estime que la mesure tend à garantir le droit à la santé des patients plutôt que d’y porter atteinte dans la mesure où elle assure à tous les patients un accès égal aux soins ambulatoires.

Enfin, les requérants invoquaient la violation de la liberté d’établissement, de commerce et d’industrie et de la libre prestation des services, garanties par le droit de l’Union européenne. Pour les mêmes motifs que ceux relatifs à l’absence de discrimination, la Cour estime que l’interdiction critiquée poursuit un but légitime et respecte le principe de proportionnalité.

Les conséquences pour les praticiens et les patients

Cette mesure aura un effet important pour les prestataires de soins non conventionné. En effet, les patients « BIM » représentent environ 20% des patients belges. Cela pourrait donc représenter une perte économique importante pour certains prestataires de soins.

L’interdiction de facturer des suppléments d’honoraires n’entrera en vigueur qu’aux dates à déterminée par un arrêté royal. Le projet d’arrêté, actuellement soumis aux avis des différentes instances. Il prévoit que cette interdiction de suppléments s’appliquera à partir du 1er janvier 2025 pour les patients ambulatoires qui ont automatiquement droit à l’intervention majorée et à partir du 1er janvier 2026 pour tous les autres patients BIM.

Une fois ces dispositions en vigueur, les praticiens non conventionnés ne pourront plus pratiquer aucun supplément d’honoraires pour les soins ambulatoires prodigués à ces patients BIM, sauf si le patient pose des exigences particulières auquel cas des honoraires libres sont encore possibles.

Malgré son objectif louable d’assurer l’accessibilité aux soins, cette mesure pourrait avoir des effets pervers pour les patients . En effet, il est possible que certains prestataires de soins refusent de prodiguer des soins aux patients BIM en raison de l’impossibilité de pratiquer les suppléments d’honoraires qu’ils appliquent habituellement. Il est également possible que les prestataires de soins cherchent à compenser cette perte économique par l’augmentation des suppléments d’honoraires vis-à-vis des patients qui peuvent se les voir appliquer.

Si le droit de la santé vous intéresse, n’hésitez pas à suivre nos actualités dans le secteur du droit de la santé. Pour toute question spécifique en lien avec le droit de la santé, vous pouvez contacter Benoît Cambier, Fabien Hans ou Thomas Cambier.