Infractions urbanistiques : quoi de neuf suite à la réforme du CoDT ?

Extension du champ d’application de l’amnisitie

Depuis la loi du 29 mars 1962 « organique de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme », toute personne qui maintient des actes et travaux réalisés sans permis, en contravention à un permis, etc., se rend coupable d’une infraction indépendante de « maintien ».

Cette situation insécurise un grand nombre de transactions immobilières.

L’infraction de maintien est « continue », dans la mesure elle ne prend fin que par la remise des lieux dans leur état initial ou par l’obtention d’un permis de régularisation. Tant que ce n’est pas le cas, l’infraction subsiste et se transmet en même temps que le bien, chaque nouveau propriétaire en devenant le titulaire.

Depuis 1962, le nombre de biens affectés d’une ou plusieurs infractions d’urbanisme n’a cessé d’augmenter. En outre, le temps qui passe et les nombreuses évolutions législatives rendent difficile la démonstration de l’éventuelle régularité des actes et travaux effectués sans permis à un moment donné.

Une évolution positive dès 2018

Dès la première modification du CoDT en 2018, le législateur wallon a prévu plusieurs tempéraments à l’infraction de maintien.

Ainsi, il précise que les actes et travaux réalisés sans permis, en violation du permis, etc. avant le 21 avril 1962 ne constituent pas des infractions. Il en est de même pour les divisions d’immeubles en plusieurs logements (sans travaux soumis à permis) réalisées avant le 20 août 1994.

ll prévoit aussi une amnistie pour les actes et travaux effectués sans permis avant le 1er mars 1998, à l’exclusion de quatre types d’infractions considérées comme les plus graves.

L’amnistie procure un double avantage :

  1. Non seulement les actes et travaux concernés ne peuvent plus faire l’objet de poursuites pénales ni des lourdes sanctions civiles susceptibles d’être imposées en cas d’infraction.
  2. Mais, en plus, ils sont considérés, de manière irréfragable, comme réguliers sur le plan urbanistique. En d’autres termes, ils font l’objet d’un permis de régularisation tacite.

Le législateur wallon a également créé un double mécanisme de dépénalisation. Selon ce dernier, les infractions non fondamentales étaient dépénalisées après 10 ans et les infractions fondamentales l’étaient après 20 ans. Cette dépénalisation n’était toutefois pas possible pour les actes et travaux relevant des quatre exceptions privées d’amnistie.

À l’inverse, si les actes et travaux « dépénalisés » ne peuvent plus donner lieu à des poursuites, ils restent irréguliers sur le plan administratif. Par conséquent, leur situation reste incertaine sur le plan administratif.

En 2024 – Extension de l’amnistie

Dans le décret du 13 décembre 2023, le législateur wallon tire les conséquences du caractère peu adéquat de la dépénalisation. Il décide en conséquence d’étendre l’amnistie aux actes et travaux « dépénalisés ». Voici ce qu’il faut en retenir :

Cinq catégories d’infractions « majeures » ne sont toujours pas susceptibles d’amnistie. Il s’agit des actes et travaux qui :

  • ne sont pas conformes à la destination de la zone du plan de secteur dans laquelle ils se trouvent ;
  • consistent en la création de plusieurs logements après le 20 août 1994 ;
  • ont été réalisés sur un bien ou dans un site qui fait l’objet d’une mesure de protection particulière ;
  • contreviennent à d’autres réglementations (Code du logement, permis d’environnement, etc.) ;
  • ont fait l’objet d’une décision de justice passée en force de chose jugée.

Les infractions « mineures » ou « ordinaires » sont « pardonnées » passé un certain délai

Hormis ces exceptions, les actes et travaux identifiés comme des infractions non fondamentales ou mineures sont « irréfragablement présumés conformes au droit de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme » après dix ans. Pour les infractions fondamentales ou ordinaire, c’est après vingt ans.

Pour relever de la catégorie des infractions mineures, les actes et travaux en infraction doivent respecter des conditions cumulatives suivantes :

  • Avoir été réalisés dans une zone destinée l’urbanisation ou sur un immeuble dont la situation en dérogation au zonage est régulière ;
  • Être conforme aux normes du guide régional d’urbanisme ;
  • Rencontrée les hypothèses détaillées à l’article D.VII.1, § 2, 3° du CoDT (notamment en termes de proportion d’écart autorisées).

La mise en place de ce système d’amnistie « glissante » permettra de régulariser la situation nombreux biens affectés d’une ou plusieurs infractions de moindre importance. Elle devrait faciliter la vie de bon nombre de propriétaires.

Permis de régularisation

Suspension de l’instruction de la demande de permis en cas de PV

Comme auparavant, une demande de permis de régularisation peut être introduite avant ou après un procès-verbal de constat. Toutefois, en cas de notification d’un procès-verbal après l’introduction de la demande de permis de régularisation, le CoDT prévoit dorénavant une suspension des délais d’instruction de cette demande afin de permettre au Procureur du Roi de notifier son intention de poursuivre ou non le contrevenant.

À défaut de poursuite, l’instruction de la demande de permis par l’autorité compétente reprend.

En cas de refus de permis, le contrevenant fait l’objet de poursuites soit devant le Tribunal correctionnel ou par le Fonctionnaire délégué devant le Tribunal de première instance.

L’octroi du permis est conditionné au paiement de l’amende administrative

En cas d’octroi du permis de régularisation, ses effets sont suspendus jusque la date du paiement de la transaction proposée par le Fonctionnaire délégué, en accord avec la Commune, au contrevenant de payer.

Ce n’est dès lors qu’une fois le montant de la transaction payé que le permis est notifié à son titulaire.  

L’absence de paiement de la transaction dans les six mois de la demande entraine la péremption du permis de régularisation.

Vous avez une question concernant les infractions d’urbanisme en Région wallonne ? N’hésitez pas à contacter Me Alexandre Paternostre

Contestation des taxes communales

La Cour de cassation précise l’obligation de motivation en matière fiscale

La justification d’une différence de traitement engendrée par un règlement-taxe peut ressortir de la nature de la taxe elle-même quand cela relève de l’évidence.

Une différence de traitement en matière fiscale doit être justifiée

Les principes d’égalité et de non-discrimination impliquent que tous ceux qui se trouvent dans la même situation soient traités de la même manière. Une disposition fiscale peut toutefois opérer une différence de traitement entre deux catégories de contribuables, à la condition que cette distinction soit susceptible d’une justification objective et raisonnable en rapport avec le but poursuivi.

Mais où et à quel moment cette justification doit-elle apparaitre ?

Dans un arrêt du 29 février 2024, la Cour de cassation clarifie l’obligation de motivation en matière fiscale.

Elle juge que la justification objective et raisonnable de la différence de traitement peut ressortir du règlement-taxe lui-même et du dossier administratif ayant mené à son adoption. Mais elle peut aussi être déduite de la nature et du contexte de la différence de traitement elle-même.

L’arrêt du 29 février 2024 s’inscrit dans le courant de jurisprudence initié par la chambre néerlandophone de la Cour de cassation avec un arrêt du 3 septembre 2015. Ce dernier marquait une évolution importante : il autorise le juge à ne pas se limiter au seul préambule du règlement-taxe et à son dossier administratif pour trouver l’existence d’une justification, mais à la déduire de la nature même de la différence de traitement exercée ou du contexte du règlement-taxe.

La Commune ou la Province n’a donc pas toujours l’obligation de justifier dans le préambule de la taxe ou dans les documents préparatoires les raisons pour laquelle elle décide de taxer un type d’activités plutôt qu’un autre.

Toutefois, dans son arrêt du 29 février 2024, la Cour de cassation pose une balise importante.

Une balise importante : la force de l’évidence

L’autorité peut s’exonérer de motiver une différence de traitement induite par une taxe si et seulement si sa justification déduite de la nature même de la différence de traitement ou livrée par le contexte du règlement-taxe relève de l’évidence. En d’autres termes, cette justification doit être si évidente qu’aucune autre interprétation plausible n’est possible, démontrant ainsi que l’administration a approuvé la différence de traitement en se basant sur ce seul motif.

Mais quelle évidence ?

L’affaire portée devant la Cour de cassation concerne un règlement-taxe sur les mâts et pylônes situés en plein air et visibles depuis la voie publique. Ce règlement exonère les éoliennes ou d’autres formes d’énergie verte.

Devant la Cour d’appel, l’administration justifie cette exonération par la volonté de favoriser la production d’énergie verte dans le cadre de la transition énergétique nécessaire à la lutte contre le réchauffement climatique.

Cependant, cette justification ne ressort ni du règlement-taxe ni du dossier administratif.

Néanmoins, le juge d’appel constate que la justification avancée découle de la nature même de la différence de traitement et est étayée par le contexte du règlement-taxe. Il juge que cette justification est la seule ayant pu conduire l’administration à approuver une telle différence de traitement. Il estime dès lors que la différence de traitement fait l’objet d’une justification objective et raisonnable et que le règlement est conforme aux principes d’égalité et de non-discrimination.

Par son arrêt du 29 février 2024, la Cour de cassation valide le raisonnement tenu par le juge d’appel.

Pour toute question en matière de fiscalité locale, vous pouvez prendre contact avec Alexandre Paternostre.

Élections communales 2024 – Comment est choisi le Bourgmestre en Région wallonne ?

En Région wallonne, l’électeur est roi dans le choix du Bourgmestre.

Selon le Code de la Démocratie locale, est élu Bourgmestre le candidat qui a obtenu le plus de voix de préférence (1) au sein de la liste qui a obtenu le plus de voix (2) parmi les groupes politiques qui concluent un pacte de majorité (3). Il faut bien sûr également que la personne concernée accepte le mandat.

Élections communales 2024 – Comment est choisi le Bourgmestre en Région wallonne ?

Ce dernier sera démis de plein droit de ses mandats dérivés.

Par contre, compte tenu de la volonté du législateur de renforcer le rôle de l’électeur dans le choix du Bourgmestre, un tel évènement n’a pas d’incidence sur son mandat de Bourgmestre. C’est ce que la Cour constitutionnelle a jugé dans un arrêt n°19/34 du 8 février 2024.

Le seul moyen de mettre fin au mandat d’un Bourgmestre en conflit avec son groupe politique est donc l’adoption par le conseil communal d’une motion de méfiance individuelle à son encontre.

Une telle motion n’est recevable que si elle est déposée par la moitié au moins des conseillers de chaque groupe politique participant au pacte de majorité et qu’elle est adoptée à la majorité des membres du conseil communal.

Dans le cadre de l’adoption d’une telle motion de méfiance, les personnes qui ont démissionné ou ont été exclues de leur groupe politique sont réputées en faire partie jusqu’à la fin de la législature.

🗳️ Le choix de la personne à qui vous attribuez votre vote à donc son importance pour toute la durée de la mandature communale.

Evolution en matière d’accès aux documents administratifs

Evolution en matière d’accès aux documents administratifs en Région wallonne, en Région de Bruxelles-Capitale, à la Cocof et à la Cocom

Le droit pour les citoyens d’accéder à des documents administratifs est consacré par l’article 32 de la Constitution.

En Région wallonne, ce droit est notamment concrétisé par un décret du 30 mars 1995 qui fixe les conditions d’exercice et les limites de ce droit d’accès aux documents administratifs.

Le droit de prendre connaissance des documents administratifs, de se les voir expliquer et d’en obtenir une copie peut entrer en conflit avec d’autres intérêts que les autorités administratives communales et paracommunales wallonnes ont l’obligation de protéger : la sécurité ou l’ordre public, les droits ou libertés fondamentales des administrés, le droit au respect de la vie privée, le secret des affaires, etc. Lorsqu’elle refuse de donner suite à une demande de consultation de documents administratifs, l’autorité administrative doit toujours s’en expliquer au regard d’un des motifs limitativement identifiés par le décret. Lorsqu’un citoyen souhaite obtenir le droit de consulter un document à caractère personnel, il doit en outre justifier d’un intérêt.

Jusqu’à l’entrée en vigueur du décret du 2 mai 2019, l’administré confronté à des difficultés d’obtenir l’accès à un document administratif ou à un refus de consultation pouvait solliciter l’avis de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA). La CADA rendait un avis que l’autorité administrative était libre de suivre ou non, sa décision pouvant faire l’objet d’un recours au Conseil d’Etat. Cette procédure de recours était lourde et, pour le moins, inefficace.

Le législateur wallon a dorénavant institué la CADA en une véritable instance de recours. Par conséquent, en cas de refus explicite ou implicite d’une demande d’accès à un document administratif par une autorité communale ou paracommunale, l’administré pourra directement introduire un recours devant la CADA. Si la CADA fait droit à son recours, l’autorité concernée aura l’obligation de respecter sa décision et de communiquer les documents demandés dans le délai qui lui est imparti.

Cette évolution décrétale qui concerne les autorités communales et paracommunales wallonnes au sens large (CPAS, asbl communales, intercommunales, …) constitue un pas dans la bonne direction. Un pas que la Région de Bruxelles-Capitale, la Commission communautaire commune et la Commission communautaire française n’ont pas manqué de franchir également à l’occasion de leurs récents décret et ordonnance conjoints relatifs à la publicité de l’administration dans les institutions bruxelloises, qui rendent également les décisions de la CADA bruxelloise contraignantes.

Pour toute question relative aux modalités du droit d’accès aux documents administratifs et aux procédures de recours, vous pouvez prendre contact avec les avocats du cabinet Cambier.